Dans le cadre de l’affaire de l’assassinat de Djamel Bensmaïl, plusieurs mis en cause font désormais l’objet d’un mandat d’arrêt international émis à leur encontre par la justice algérienne. C’est ce qu’a souligné le 26/08/2021 le Procureur général de la cour d’Alger, Sid Ahmed Mourad, lors de la conférence de presse qu’il a consacrée aux résultats des auditions des mis en cause par le juge d’instruction près le tribunal de Sidi Mhamed (Alger).
Sur les 88 individus arrêtés par les services de police, 83 suspects ont été placés en détention provisoire, a fait savoir le représentant du ministère public, précisant qu’il s’agit d’un mineur, 3 femmes et 24 membres du mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK). 29 autres suspects dans cette affaire de crime ignoble se trouvent en état de fuite, dont certains dans des pays étrangers, a ajouté l’intervenant.
Ce sont donc les suspects se trouvant actuellement à l’extérieur du pays qui sont concernés par la mesure du mandat d’arrêt international émanant du parquet d’Alger. A leur tête, le leader du MAK, Ferhat Mehenni, dont le mouvement est accusé d’être à l’origine du meurtre du jeune homme de Miliana parti à Larbaâ-Nath-Irathen aider ses amis mis à rude épreuve par les incendies qui ravageaient cette localité parmi plusieurs autres en Kabylie, mais aussi dans ces incendies que les éléments de l’enquête attribuent à des mains criminelles.
Si le pays où se trouvent actuellement les suspects en fuite n’ont pas été cités par le procureur de la République, tout indique néanmoins assez clairement que certains d’entre eux ont élu domicile au Maroc, dont le soutien au MAK a été également mis en évidence par l’enquête judiciaire. Autrement dit, il n’y a aucune coopération à attendre des autorités judiciaires marocaines sur ce dossier. Bien au contraire, dans la situation actuelle où se trouvent les relations entre les deux pays, ayant poussé Alger à mettre fin à ses relations diplomatiques avec Rabat, il faudrait plutôt s’attendre à ce que le Makhzen joue plutôt au protecteur des suspects se trouvant sur son sol.
Dans le cas de Ferhat Mehenni, c’est un autre pays qui est appelé à réagir à la procédure mise en place par les autorités judiciaires algériennes, en l’occurrence la France où le chef du mouvement séparatiste jouit du statut de réfugié politique.
"De cette place, j’appelle les pays où se trouvent ces individus à les livrer afin qu’ils soient jugés et qu’ils ne restent pas dans l’impunité", a lancé le Procureur général, lors de la même conférence de presse, après avoir annoncé la mesure de mandat d’arrêt à l’encontre des suspects en fuite à l’étranger. M. Mourad s’est dit, à l’occasion, confiant quant à la coopération de ces pays. "Il y a des mécanismes d’entraide judiciaire qui fonctionnent. Leurs noms seront communiqués à Interpol (…) toutes ces personnes ne connaîtront pas la quiétude et seront poursuivies où qu’elles se trouvent", a-t-il assuré.
Dans le cas de l’entraide judiciaire algéro-française, les mécanismes ont été récemment renforcés par la loi n°2021-302 de 22 mars 2021 relative à la convention d’extradition signée en 2019 entre Alger et Paris. Laquelle vise à établir une coopération renforcée entre les deux pays en matière de lutte contre la criminalité et le terrorisme, donnant lieu à une remise effective et plus rapide des personnes recherchées. La convention bilatérale stipule, en effet, que "les parties (l’Algérie et la France) ont l’obligation d’extrader toute personne poursuivie pour les infractions à caractère terroriste".
Dans cette logique, Ferhat Mehenni se trouverait quasi-systématiquement arrêté par la justice française, puis extradé en Algérie, d’autant que le MAK qu’il dirige a été classé organisation terroriste par l’Etat. Or, et en dépit des nuances qui pourraient jouer en faveur de ce dernier, dont le statut est celui de réfugié politique, le déroulement de la procédure revendiquée par Alger obéirait aussi, et surtout, aux intérêts que pourrait avoir Paris dans cette affaire, fait remarquer l’avocat Boudjamaâ Guechir.
"Personnellement, et au-delà des liens qui peuvent exister entre les deux pays, je pense que dans l’affaire de Ferhat Mehenni, la France va agir selon ses intérêts", dira Maître Guechir. "Si la France, en fonction de ces mêmes intérêts, juge qu’il faudra l’arrêter et l’extrader, elle le fera", soutiendra notre interlocuteur, avant de citer des exemples dans ce sens.
Et d’ajouter qu’"il y a beaucoup d’Algériens qui se trouvent en France et que la justice française veut extrader en Algérie", et que des "négociations pourraient être engagées autour de ce dossier".