Le Hayik, une tenue traditionnelle des femmes algériennes
Femmes algériennes en hayik, photo Andrew Farrand
Le hayik ou haïk (en arabe الحايك) est un vêtement traditionnel porté par les femmes algériennes depuis des siècles. C'est un symbole de leur élégance, de leur chasteté, de leur identité et même de leur lutte contre le colonialisme. Bien qu'il ne soit plus porté par les jeunes femmes, de nombreuses femmes âgées dans les grandes villes y tiennent car il symbolise les traditions féminines algériennes. A noter qu’il fait encore partie du trousseau des jeunes mariées.
Le hayik s’est imposé depuis des siècles comme un vêtement qui reflète l’identité des femmes algériennes. Il s'agit d'une pièce unique de couleur blanche ou écru qui recouvre tout le corps de la femme et qui sert à dissimuler son corps afin de ne pas susciter la convoitise d’hommes qu’elle ne souhaite pas attirer. Il existe différents types et noms pour cette tenue ancienne et différentes manières de la porter. Le haïk est accompagné de l'ajjar, qui est un voile brodé qui couvre la partie inférieure du visage.
Femme algérienne en hayik, début XXème siècle
Une tenue ancienne
On ne sait pas précisément quand l’usage du hayik a émergé, cependant, des chercheurs font remonter son apparition à l'époque ottomane, citant le livre de l'historien espagnol Diego de Haedo, qui fut capturé en Algérie au XVIème siècle et qui parla dans son livre La topographie de l'Algérie et son histoire générale du hayik comme vêtement féminin algérien. Il écrit : "Quand les femmes sortent de chez elles, elles mettent des manteaux blancs, très déliés, en laine fine ou tissus de laine et de soie". On sait donc grâce à cet écrivain espagnol, que le hayik existait déjà au seizième siècle.
Les écharpes des femmes andalouses sont très larges
Une tenue venue de l’Andalousie ?
Dans ce contexte, la conservatrice du patrimoine au Musée national du Bardo (un musée archéologique et ethnographique algérien situé dans la commune de Sidi M'Hamed en Algérie), Farida Bakuri estime que "Le hayik est arrivé en Algérie et dans de nombreuses villes d'Afrique du Nord en raison de l'afflux de familles andalouses après la chute de Grenade, la dernière principauté andalouse, en 1492. Les réfugiés andalous ont apporté leurs traditions et leurs coutumes en matière de vêtements, de nourriture, de musique et d'autres choses, et c’est ainsi que le hayik est progressivement devenu le vêtement des femmes urbaines dans les grandes villes algériennes comme Alger, Blida et Tlemcen...", a-t-elle déclaré.
La porte-parole a ajouté : "Les preuves historiques confirment que les femmes d'Algérie et d'Afrique du Nord en général portaient souvent des vêtements similaires au hayik pendant la période ottomane et avant. Il s'agissait de vêtements modestes, amples et larges qui couvraient le corps et la tête, conformément aux traditions sociales et aux croyances religieuses dominantes.".
Des femmes algériennes en hayik, lors de l'indépendance en juillet 62
Selon la même experte, il existe plusieurs types de hayik en Algérie, dont le plus important est le Marma, célèbre dans les régions du centre de l'Algérie, en particulier dans la capitale et à Blida. Il est tissé à partir de soie fine ou mélangé à du lin ou de la laine. Il y a aussi le Ashaashià Tlemcen, le noir appelé Malaya à Constantine, Al-Kassa dans l'ouest algérien, et Al-Milhfa dans le sud, entre autres.
De son côté, Youssef Ouraghi, chercheur en patrimoine de la ville de Blida, souligne qu'il existe trois types de haïk pour lesquels la ville de Blida et la région de la Mitidja en général sont célèbres. Il s’agit de al-Marma, qui est le connu en Algérie et qui était porté par les femmes issues de familles riches. Ensuite, il y a al-Takhlila et al-Kassa, qui sont fabriqués à partir de soie et de laine de haute qualité ou mélangés à d’autres matériaux. Les femmes de Blida possèdent des techniques spéciales pour identifier la qualité et l’authenticité du matériau à partir duquel le haïk est tissé.
Le chercheur explique que "bien que le hayik soit arrivé en Algérie après la chute de Grenade par le biais des femmes andalouses, il a été développé et imprégné de nouveaux éléments et doté d'une teinte et d'un esprit purement algériens". Il a toutefois regretté la situation actuelle, où il n'est désormais porté que par un très petit nombre de femmes âgées, ou lors des mariages. En effet, le "hawik" (un surnom pour le haïk) est encore utilisé lors des mariages pour couvrir la tête de la mariée lorsqu’elle quitte la maison de ses parents pour celle de son mari, car il est considéré comme "un symbole d’honneur et de modestie", selon le chercheur, mais il n'est plus porté par les jeunes Algériennes "Et c'est regrettable".
Pour le chercheur en patrimoine Lakhdar Chouli, le haïk devrait être "classé patrimoine national" car il est un "symbole de l'identité nationale par excellence", ajoutant que "Les femmes ont continué à le porter durant la période du colonialisme français pour affirmer leur identité et même après l'indépendance, mais son utilisation a commencé à décliner à partir des années 1980". En effet, les femmes algériennes lui préfèrent aujourd’hui le hijab.