L'Arabie Saoudite est en train de préparer l'accueil de réfugiés afghans. Le "militant anticorruption saoudien" Mujtahidd a révélé que le prince héritier Mohammed ben Salmane avait ordonné la préparation de bâtiments en vue d'accueillir près de 10 000 réfugiés afghans. Mujtahidd a déclaré que l'administration américaine aurait "ordonné" à l'Arabie d'accepter ces réfugiés et, pour ce faire, des bâtiments, dont les tours Mina à Riyad sont actuellement en train d'être préparés. Il a ajouté que MBS avait demandé aux Américains de ne pas mentionner le nom du royaume parmi les pays hôtes. Les Américains avaient accédé à sa demande. A présent, il semble que "officiellement" les réfugiés ne seront qu'en transit sur le sol saoudien avant d'être accueillis par d'autres pays hôtes. Une précaution étrange de la part de MBS qui ne veut visiblement pas assumer publiquement l'accueil des Afghans.
L'Arabie saoudite et l'Afghanistan
Riyad avait gelé ses relations avec les taliban en 1998. Cela faisait suite au refus des taliban de livrer le chef d’Al-Qaïda de l'époque, Oussama ben Laden. Ce dernier s'était fait une renommée lors de la lutte contre l'occupation soviétique de l'Afghanistan dans les années 1980. L’Arabie saoudite l’avait déchu de sa citoyenneté à cause des attaques qu’il avait perpétrées dans le royaume et d’activités ciblant la famille royale mais surtout suite à l'attaque du 11 septembre qu'il avait revendiquée.
Vendredi 27/08/21, les Émirats arabes unis ont annoncé leur accord pour accueillir des ressortissants afghans évacués d'Afghanistan, toujours en insistant sur le fait que l'accueil ne sera que temporaire. Par la suite, ils prendraient un nouveau départ vers d'autres pays d’accueil.
Concernant les Émirats arabes unis, le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a annoncé, à la demande des États-Unis, que les Emirats accueilleront temporairement des citoyens afghans, avant qu'ils ne se rendent dans d'autres pays. Une annonce donc similaire à celle de l'Arabie. Les citoyens afghans qui seront évacués vers les Emirats Arabes Unis depuis la capitale, Kaboul, partiront dans les prochains jours, à bord d'avions américains, selon l'agence de presse WAM.
L’implication du Qatar: un rôle de médiation central pour les taliban
Depuis que le mouvement taliban a récemment imposé son contrôle sur l'Afghanistan, le Qatar joue un rôle essentiel. Le Qatar avait précédemment organisé et accueilli des pourparlers entre le gouvernement afghan (sous l'ère américaine) et le mouvement taliban à Doha.
Pourtant habitué à jouer des coudes avec le Qatar, l’Arabie saoudite semble rester en retrait dans ce dossier épineux et complexe.
Les analystes pensent que le rôle qatari n’est pas seulement une médiation entre les talibans et le gouvernement afghan, ou entre les talibans et l'Occident. Mais il y a un soutien de la part du Qatar au mouvement taliban, qui a récemment pris le contrôle du pays, selon un rapport publié par DW Arabic. Les experts sur la question estiment que le Qatar va continuer à jouer le rôle de médiateur, qui pourrait s'avérer utile pour désamorcer d'éventuelles crises futures.
Dans ce contexte, le Dr Khaled Al-Jaber, professeur du Gulf Studies Program à l'Université du Qatar, affirme que son pays a joué un rôle majeur pendant la période précédant la prise de contrôle de l'Afghanistan par les taliban, et il semble que ce rôle se poursuivra assez longtemps. Les relations entre le Qatar et les taliban sont salvatrices à un moment où il semble y avoir des réserves saoudiennes quant à l'élargissement de l'étendue du rôle que Riyad peut jouer dans le dossier et ce, bien que les Saoudiens aient joué un rôle important dans l’histoire de l’Afghanistan, notamment lors l'invasion russe dans les années 80 où ils ont apporté leur soutien aux taliban, que ce soit politiquement, militairement ou financièrement.
L'expert politique qatari indique qu'au cours de la dernière période, le Qatar a réussi à nouer des relations étroites avec le mouvement taliban. Le Qatar semble bénéficier d’une grande confiance. Doha a exploité ces relations privilégiées afin de servir de médiateur entre les talibans et les États-Unis pour parvenir à un accord qui garantit le retrait américain, "donc le rôle politique du Qatar est très important et le Qatar veut s'appuyer sur ce partenariat avec les talibans afin d'influencer le cours des choses en Afghanistan, d'autant plus que les taliban acceptent que les Qataris arbitrent les différends entre eux et les autres pays ; les relations solides du Qatar avec les États-Unis jouent un rôle crucial sur le plan politique en garantissant que de nouvelles règles du jeu seront convenues".
L'expert allemand Dr Guido Steinberg, expert du Moyen-Orient à l'Institut pour la science et la politique de Berlin, estime que le Qatar s'est présenté comme un médiateur pendant deux décennies jusqu'à aujourd'hui, et que "l'émirat du Golfe n’a pas peur de communiquer avec les acteurs de ce dossier". Il a également expliqué que "le Qatar s'est proposé comme médiateur des talibans notamment dans les enceintes internationales, et que la raison en est que Doha a établi des relations avec les dirigeants du mouvement afghan à une époque relativement précoce".
A ce jour, personne n'a réellement réussi à connaître l'objectif du Qatar. S'agit-il de devenir un acteur incontournable pour accéder à toute discussion avec les taliban ? Le Qatar, comme de nombreux pays tels que la Chine, l'Inde ou encore la Russie, lorgne-t-il sur l'immense réservoir naturel de Lithium dans le sous-sol afghan ? Une richesse estimée pour le moment à mille milliards de dollars.