Durant le mois de ramadan, la diffusion de feuilletons télévisés qui racontent l'avènement de l'islam est devenue une tradition pour les chaînes arabes. Ces feuilletons s'articulent autour d'une histoire se déroulant en Arabie à l'époque préislamique, c'est-à-dire avant le 6e siècle de l'ère chrétienne. Au fur et à mesure que l'histoire progresse, les peuples arabes et polythéistes se convertissent à l'islam en recevant la révélation du saint Coran. Ce n'est pas un hasard si ces feuilletons sont diffusés pendant le ramadan, mois au cours duquel les musulmans doivent davantage méditer sur leur foi et la renforcer. La période de l'Arabie préislamique n'est évoquée que sous un aspect péjoratif, les Arabes n'en étant pas très fiers. Et pour cause : Cette époque est marquée par des coutumes tribales et barbares où s'impose la loi du plus fort. Mais il n'y a pas que cela...
Tribus et loi du plus fort
Lorsqu'on parle de la loi du plus fort, il ne s'agit pas de celle d'un homme mais de celle d'une tribu ou de plusieurs tribus. Une tribu, pour devenir puissante, devait gagner ses galons en combattant et en remportant des victoires contre ses rivales. De plus, elle devait cumuler les richesses qui confortaient son assise. Les tribus les plus faibles étaient pillées et englobées par d'autres tribus plus puissantes - c'était en quelque sorte de la fusion d'entreprise avant l'heure ! - ou alors, elles étaient asservies, car la société de l'époque préislamique était esclavagiste. Pour ce qui est des croyances religieuses, les tribus arabes étaient en général païennes et chacune adorait un dieu ou une déesse différent(e) ! Cependant, certaines, peu nombreuses, étaient chrétiennes ou judéo-arabes (d'ethnie arabe et de confession juive), comme celle de Khaibar à Médine.
La majorité d'entre ces tribus étaient des tribus de cavaliers, de guerriers, de commerçants ou de bergers. Appartenir à une tribu puissante était non seulement valorisant, mais c'était aussi gage de survie. Il ne faisait donc pas bon naître dans une tribu peu puissante en Arabie antéislamique. D'une façon générale, l'espérance de vie était courte à cette époque : Les jeunes hommes mouraient lors de batailles, les esclaves et les prisonniers croulaient sous les corvées. Il existait bien des médecins mais ceux-ci n'étaient pas encore au fait des dernières techniques qui permettent d'allonger l'espérance de vie !
Dans l'Arabie antéislamique, le médecin utilisait principalement des herbes pour soigner et guérir; il se prévalait également de dons de magie et de contre-sorcellerie. C'est en 685 que le premier livre médical sera écrit en langue arabe. Il s'agit des Pandectes d'Aaron, un ouvrage égyptien écrit en syriaque avant d'être traduit en arabe.
Pour en revenir aux critères de puissance d'une tribu, il faut savoir qu'elle se mesurait notamment à sa fortune : Une tribu puissante possédait beaucoup d'or, d'animaux domestiques (chevaux, brebis, chamelles) et quantité de points d'eau, car dans le milieu hostile qu'était le désert, l'eau était au moins aussi précieuse que l'or. La puissance d'un homme se mesurait au nombre de femmes, d'enfants et d'esclaves qu'il possédait.
Les femmes en Arabie préislamique
La femme quant à elle, n'avait de valeur que lorsqu'elle était en âge d'être mariée. En effet, les filles étaient considérées comme un fardeau car elles étaient matériellement dépendantes, or le peu de considération qu'on leur prêtait donnait lieu à des actes horribles. Ainsi, fréquemment, les nourrissons de sexe féminin étaient enlevés à leur mère et enterrés vivants. Du coup, à l'âge du mariage, les femmes étaient bien moins nombreuses que les hommes. C'est un problème que l'on rencontre hélas, encore aujourd'hui, en Inde et en Chine, mais pour des raisons différentes. Donc, seuls les cavaliers talentueux et riches pouvaient espérer se marier; sinon, ils enlevaient des femmes à une autre tribu lors d'une razzia. De plus, une loi permettait à un homme d'épouser la femme de son frère ou de son père si ce dernier décédait.
La poésie était valorisée dans l'ancienne société arabe
A côté de ces us et coutumes à la morale assez improbable, l'homme arabe de l'époque préislamique aimait la poésie. L'homme accompli devait développer, en plus des qualités physiques, des talents d'orateur et de poète. L'éloquence était considérée comme le comble du raffinement et des joutes oratoires étaient même organisées entre tribus rivales ! Les joutes étaient organisées à La Mecque, une ville déjà considérée comme sainte par les Arabes avant l'avènement de l'islam. Les tribus s'engageaient à ne pas y verser de sang. Dans la mythologie arabe, La Mecque est le lieu à partir duquel la terre a été étendue en cercles concentriques, c'est pour ainsi dire le nombril de la terre. La Kaaba occupe l'emplacement sur lequel Dieu a permis à Adam d'ériger une tente, lorsqu'il fut chassé du Paradis. L'édification du sanctuaire est attribuée soit à Adam, soit à Abraham. Selon Le Coran (2.127) c'est Abraham qui l'a édifiée.
Les concours de poésie avaient souvent lieu lors de la commémoration du souk d'Ouqadh. Chaque année, un jury choisissait le plus beau poème d'une tribu, qui était ensuite écrit en lettres d'or sur de la soie et accroché dans l'enceinte de la Kaaba, près des totems. Les tribus étaient très fières de voir leurs poèmes sélectionnés. Ceux-ci sont les fameuses mou'allaqates, dont le sens littéral est "les poèmes accrochés".