Biographie du chanteur algérien Cheikh El Hadj El Anka

El Hadj El Anka, montage deux photos
El Hadj El Anka, montage deux photos

Connaissez-vous Cheikh El Hadj El Anka ? C’est un chanteur populaire incontournable qui est connu de tous les Algériens ! De son vrai nom Aït Ouarab Mohamed Idir Halo, Hadj M’hamed El Anka est né dans une famille d’origine kabyle le 20 mai 1907, rue Tombouctou, dans la célèbre Casbah d’Alger. Enfant, El Anka fréquentera l’école publique mais sera contraint de travailler dès l’âge de 11 ans car sa famille était plutôt pauvre.

Le jeune M’Hamed peut vivre de la musique

En 1917, le Cheikh Si Saïd Larbi, musicien algérien de renom, qui remarque le sens inné pour le rythme du jeune M’hamed, lui permet de jouer du tar (tambourin) au sein de son orchestre. Ce qu’il fait avec une aisance qui n’a d’égal que sa passion pour la musique.

A partir de là, M. Kehioudji, un autre grand musicien algérien, l’intègre comme musicien à plein temps dans l’orchestre pour débutants qui animait les cérémonies de mariage. M’hamed, alors âgé de 15 ans, musicien percussionniste de son état, peut vivre de son art, mais le plus important est qu’il exerce, avec amour, le métier de ses rêves. Nous sommes en 1922 et la musique classique algérienne, avec chanteur et orchestre, est reconnue comme une forme majeure d'expression artistique.
La véritable consécration pour El Anka arrive en 1925, lorsqu’il lui est proposé de faire partie de l’orchestre de Mustapha Nador... Cheikh Nador est une véritable pointure musicale en Algérie ; il est réputé avoir introduit pour la première fois à Alger un genre de musique poétique appelé Moghrabi.

El Hadj El Anka, ici avec le musicien algérien Aliane Omar, en 1929
El Hadj El Anka, ici avec le musicien algérien Aliane Omar, en 1929

El Anka devint chef d’orchestre dans l’animation de fêtes familiales après le décès de cheikh Nador en mai 1926. Cette année-là, il s’installe à Cherchell, la ville d’origine de son épouse. Soucieux de s’améliorer constamment, à partir de 1927 et jusqu’en 1932, il prend des cours de musique et de chant auprès de Cheikh Sid Ali Oulid Lakehal. Il prend également la peine de consulter le Cheikh Sid Ahmed Ibnou Zekri, un maître en littérature arabe, afin d’améliorer les textes lyriques interprétés. En effet, du fait du faible niveau de formation des interprètes, certaines chansons contenaient des fautes d’arabe, même lorsqu’il s’agissait d’arabe dialectal.

El Anka se produit devant le grand public

Alors qu’il était jusqu’ici peu connu du public car il ne donnait des concerts que pour des fêtes privées, le grand public découvre réellement Hadj El-Anka à partir de 1928. A partir de cette date, le chanteur chaâbi enregistrera 27 disques 78 tours chez Columbia, puis chez Algériaphone et Polyphone.

Le 5 Août 1931, Cheikh Saïdi Abderrahmane s’éteint, faisant ainsi d’El Anka le seul chanteur algérien à interpréter le genre madih. C’est ainsi que sa popularité, aidée par la diffusion de ses chansons à la radio, ira crescendo…  Même au Maroc, le roi entend parler de lui, et sa Cour l’invite à se produire en 1932 à Rabat, à l’occasion de la fête du trône.

El Hadj El Anka en 1974 dans un café de Bab El Oued fêtant la victoire d'un Club algérois de Football
El Hadj El Anka en 1974 dans un café de Bab El Oued fêtant la victoire d'un Club algérois de Football

Des tournées en Algérie et en France

En 1937, il effectuera le pèlerinage à La Mecque et ce voyage lui inspirera la chanson "El Heudja". Dès son retour de La Mecque, il reprit ses tournées en Algérie, mais aussi en France, où un public d’expatriés algériens, qui prenait de l’importance, se fit une joie de le voir en concert. Après ces tournées, il rentra à Alger et renouvela sa formation en intégrant de nouveaux musiciens, dans la mesure où certains avaient préféré le quitter pour créer leur propre orchestre. Jusqu’en 1954, beaucoup de musiciens de renom se succéderont au sein de l'orchestre du hadj.

Au lendemain de la seconde Guerre Mondiale, Cheikh El Hadj M’hamed El Anka dirige la première grande formation de musique populaire de Radio Alger, et contribue à démocratiser une musique qui allait s’appeler, à partir de 1946, le chaâbi (même si l’appellation ne sera adoptée définitivement qu'en 1964), grâce à la grande notoriété d’El Anka.

Fort de ses expériences de grand musicien, en 1955, El Anka devient professeur de chaâbi au Conservatoire d’Alger ! Ses premiers élèves, Amar Lachab et Hassen Saïd, notamment, deviendront tous des cheikhs (des chanteurs reconnus), assurant la relève du maître. On notera également que le propre fils du Cheikh, El Hadi El Anka, deviendra à son tour chef d’orchestre chaâbi.

A titre plus personnel saviez-vous que la légende du chaâbi algérien se passionnait pour le football ? En tout cas, le hadj aimait beaucoup regarder les matches de football et on dit à Alger qu'il était un fervent supporter du Mouloudia Club d'Alger.

El Hadj El Anka à la fin des années 70
El Hadj El Anka à la fin des années 70

Un interprète novateur

El Hadj M’hamed El Anka prenait son art très à cœur : il apprenait les textes des chansons qu’il interprétait par cœur, et surtout, les chantait avec émotion, comme dans Lahmam, qui demeure l'une des chansons favorites du public, où il semble pleurer en chantant. On se souviendra également du titre Sabhane Ellah ya latif, dans lequel on sent le chanteur exceptionnel, qui évoque ses blessures personnelles. En tout cas, El Hadj El Anka avait cette force, de ne jamais interpréter une chanson en lisant les paroles sur un registre.

De l’avis de tous, la grande innovation apportée par El Hadj El Anka consiste dans le fait d’avoir dynamisé une musique réputée monotone à l’époque, qui ne correspondait plus au goût des gens. "Son jeu instrumental devient plus pétillant (…). Sa manière de mettre la mélodie au service du verbe était tout simplement exceptionnelle", écrivait Sid Ahmed Hachelaf en 1983 dans Anthologie de la musique arabe 1906-1966.

Il voulait, depuis toujours, renouveler le genre des maîtres. Il est à rappeler qu’on est au lendemain de la première Guerre Mondiale. Les Algériens aspirent au changement, tout en souhaitant réhabiliter leur culture, qu’ils estiment avoir été bafouée par la colonisation française. El Anka a autant apporté sa contribution à la musique que dans la qualité de la poésie. On dit que l’illustre musicien se plaisait à interpréter des chansons dont les textes étaient issus de poèmes inédits ou écrits par des poètes inconnus.

El Hadj M’hamed El Anka a déclaré en 1973 dans l’interview qu’il a accordée à l’historien algérois Rabah Saâdallah : "Je souhaite que tous les responsables, que tous les conservateurs du patrimoine tournent leur regard vers nous, afin de sauvegarder ce qui ne doit pas disparaitre. (…) En ma qualité d’artiste, je fais de mon mieux, mais je suis âgé.".

Le 23 novembre 1978, le maître disparait, à l'âge de 71 ans, laissant comme legs à l’Algérie un genre musical majeur et une musique algérienne modernisée.

A connaître absolument par toute personne ayant des racines algériennes : Lahmam, l’une des chansons les plus connues d’El Anka

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Mis en ligne : Vendredi 1 Septembre 2023
 
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