60 ans de rock et de heavy metal en Syrie: les années 2000
Par Hannibal Saad
"À partir de 2000, la scène rock en Syrie a connu un développement fulgurant. Je pourrais vous citer plus de 50 groupes de rock, qui ont été fondés à cette époque, dont certains ont réussi à durer dans le temps.
Le groupe Gene Band
Parmi ceux qui ont réussi à perdurer, on pourrait évoquer le cas du groupe Gene Band, composé de six musiciens énergiques. L'originalité de ce groupe c'est d'avoir su transposer des musiques arabes traditionnelles dans le style rock progressif. L'une de leur chanson à succès, "Ya Waladi", met en musique un poème moderne d'Adam Fathi pour les paroles et une mélodie de Sheikh Imam.
Lorsque le groupe Gene Band fut dissout, les musiciens qui le composaient ont fondé de nouvelles formations telles que Anas and Friends et les Ascendants. On peut dire que l'héritage de Gene Band est donc toujours vivant.
Dans les années 2000, de nombreux groupes jouaient du heavy et du trash metal et même du punk comme le trio Mazhott.
Des musiciens partis de rien ont pu se bâtir une grande renommée et en très peu de temps, étaient capables de rassembler des foules énormes, à l'instar du chanteur Yasser Alkhadra ou encore du groupe d'heavy metal Amer Touma, un énorme succès notamment dû au talent du chanteur Jean Samara. Ce dernier a participé à plusieurs projets de groupe. Puis il a fui la guerre et s'est installé à Berlin.
La scène rock s'est développée grâce aux rock cafés ainsi que plusieurs producteurs musicaux. Par exemple, Rawad Abdul Massih, fondateur de Hourglass et Rasas, a fondé un studio de production musicale à Damas. Le studio est toujours très actif aujourd'hui. Autre exemple, Mouhannad Alsamman, guitariste de l'ancien groupe Marmar, a ouvert un rock café appelé "Mon Café" à Damas, un lieu où les passionnés de rock syrien ou mondial, se retrouvent.
Qussai Aldakr, guitariste, pianiste et membre du groupe Tuner, est devenu chef du département technique de l'Institut supérieur de musique. Il participe à la formation de 40 techniciens à l'enregistrement et à la production musicale. Son action permet de combler une lacune dans le domaine de l'enregistrement en studio qui peut à présent être réalisé à faible coût. De plus, les productions musicales sont accessibles à un public international grâce au web. Toutefois, le public n'a pas toujours été au rendez-vous et les pouvoirs publics n'ont pas développé de politiques culturelles avantageuses, aussi, les musiciens se sont tournés vers les réseaux sociaux pour faire connaitre leurs productions musicales.
Voix féminines du rock en Syrie
La scène rock syrienne compte des chanteuses très talentueuses qui méritent d'être mentionnées. Rasha Rizk est une chanteuse de langue arabe qui a joué dans plusieurs groupes dont Ittar Shameh. Elle a réussi à mettre à profit sa formation de chanteuse d'opéra pour créer son propre style!
Certaines des chanteuses rock syriennes, sont très connues! Le groupe Ivy est composé uniquement de femmes musiciennes. Ce groupe de rockeuses syriennes, très connues, nous insistons, est composé de Lilith Jannet (à la voix), Nour Abulfadel (guitare), Rachelle Ghanem (bassiste) et Natally Hallaq (batterie).
Le rock et le heavy metal après 2011
La guerre a laissé une marque profonde sur le paysage musical. De nombreux musiciens ont été forcés de quitter le pays. D'un autre côté, une diaspora de musiciens syriens a vu le jour à travers le monde. Après la guerre, de nombreux nouveaux groupes se sont également formés en Syrie, et le thème de la guerre et de son lot de souffrances est très présent dans les paroles des productions récentes.
Monzer Darwish, est un rocker de heavy metal. Il vit dans la ville de Homs. Lors d'une interview, il a expliqué que lui et son groupe avaient cherché refuge dans la musique afin de trouver un moyen de s'évader de cette guerre horrible. Des groupes comme Maysaloun et DUST expriment, aujourd'hui encore, les difficultés que rencontrent des Syriens dans leur quotidien et les blessures causées par la guerre à travers leur musique.
De la scène syrienne à la scène internationale
De nombreux musiciens syriens ont réussi à se développer dans les pays voisins, en Europe ou encore aux États-Unis. Citons à titre d'exemple, les groupes Khebez Dawleh et Tanjaret Daght qui ont reçu cette élogieuse critique récemment: "Le trio syrien Tanjaret Daghet est l'un des rares groupes qui réussissent la délicate tâche de rendre le rock en langue arabe attrayant pour les gens qui n'écoutent vraiment rien d'autre que de la musique occidentale.".
Le célèbre magazine Rolling Stones a d'ailleurs publié un article sur les nouvelles rock stars arabes émergentes dont Tanjaret Daghet fait clairement partie. Le groupe Tanjaret Daghet a été formé en 2008 à l'initiative du chanteur et bassiste Khaled Omran. Métamorphose après métamorphose, le groupe a véritablement gagné en sagesse. Il est composé de trois musiciens, Tarek Khoulouki, guitariste et choriste, Dany Shukri, le batteur, et bien sûr, Khaled Omran. Ces artistes sont basés à Beyrouth, au Liban. Ils attirent un large public dans le monde.
Khebez Dawle est un groupe de rock indépendant syro-libanais fondé à Damas fin 2012. Ce groupe s'est agrandi quand les membres se sont installés à Beyrouth, début 2013. Leur premier album, au concept éponyme "Khebez Dawle" a été diffusé en 2015. Ce groupe se démarque par sa musique énergique et puissante très travaillée. Tous les membres du groupe vivent maintenant à Berlin, en Allemagne. En 2020, le groupe Khebez Dawle a sorti son nouveau single intitulé "Ara" ".