Le tabou de la virginité est évoqué dans le film Caramel de Nadine Labaki, à travers le personnage de Nisrine. Celle-ci, musulmane, doit se marier, mais comme elle n'est plus vierge et qu'elle ne veut pas créer de scandale, elle se refait incognito une virginité chez son "couturier" comme elle l'appelle avec humour et ironie !
Dans la société traditionnelle, il n'y a de couple légitime que le couple marié, dont l'alliance est reconnue par Dieu et par la communauté. La sexualité dans un couple illégitime n'a donc pas lieu d'être. Mais la virginité de l'homme étant plus difficile à vérifier que celle de la femme, il appartient donc à cette dernière de préserver son "intégrité".
Le tabou de la virginité est vieux comme le monde !
Dans les sociétés primitives où la contraception était méconnue, le tabou de la virginité avait une fonction pratique : celui d'éviter qu'une jeune femme ne se retrouve enceinte, puis seule à élever un, voire plusieurs enfants. Les parents, pour éviter ce risque, mariaient leurs filles très jeunes, c'est-à-dire à l'approche de la puberté ou à la puberté ; selon un vieil adage populaire en Afrique du Nord, "la jeune fille doit avoir ses règles dans la maison de son mari". Ainsi, on préservait sa virginité et on s'assurait surtout que ses enfants naissaient dans un couple légitime qui assumerait ses responsabilités. Dans ce cas précis, le tabou a une fonction de régulation sociale.
La virginité dans les religions monothéistes
Le point de vue du judaïsme
Les juifs doivent s'abstenir de tout contact physique hors mariage. Cette interdiction date de la révélation de La Tora (Ishoute 1,1) :
Avant le don de la Tora, un homme et une femme pouvaient s'unir sexuellement, sans formalisme. Mais après, si un homme et une femme voulaient s'unir, l'homme devait sanctifier la femme en présence de témoins puis seulement après, elle devenait sa légitime. Bien que la Tora interdise formellement les rapports sexuels hors mariage pour les deux sexes, certains hommes juifs estiment être autorisés à avoir des relations sexuelles ponctuelles en dehors du mariage. En revanche, la question ne fait pas débat pour les femmes, pour lesquelles l'interdiction est sans ambigüité.
Le point de vue du christianisme
Le christianisme affirme clairement la supériorité de la virginité sur les faiblesses de la chair, mais paradoxalement, le fait d'être fécondée est honorable pour une femme. "Si tu t'es marié, tu n'as point péché ; et si la vierge s'est mariée, elle n'a point péché ; mais ces personnes auront des tribulations dans la chair, et je voudrais vous les épargner.", La Bible, 1 Corinthiens 7. En effet, la souillure des relations sexuelles est compensée par le bénéfice de la maternité. La femme doit donc choisir entre garder sa pureté, ou y renoncer pour donner la vie. La Vierge Marie, elle, est la plus honorable des femmes car elle enfanta... tout en restant vierge.
En pratique, les chrétiennes doivent s'engager à arriver vierges au mariage, mais cet engagement n'implique qu'elles-mêmes et non leur famille toute entière.
Le point de vue de l'islam
L'islam condamne la fornication, appelée zinâ en arabe, qui consiste à avoir des rapports sexuels hors du cadre conjugal. Rappelons que le mariage ici, se définit par l'union légitime de deux personnes pour former un couple selon les lois islamiques.
Ainsi, il est écrit dans Le Coran : "Et n'approchez point la fornication. En vérité, c'est une turpitude et quel mauvais chemin !" (Coran, 17 : 32, Sourate Al Isra, "Le voyage nocturne" en français). Cette interdiction touche autant les hommes que les femmes, mais dans la pratique, elle pèse surtout sur les épaules des femmes ! Les hommes en effet, sont invités, non pas par les textes religieux, mais par la coutume populaire, à s'exercer sur des prostituées avant de se marier.
Ajoutons à cela l'existence de rituels de glorification de la virginité féminine, qui bien que n'étant pas dictés par l'islam non plus, sont pratiqués dans de nombreux pays d'Afrique du Nord. Il en va ainsi du rituel consistant à exhiber le drap maculé par le sang de la défloration de la jeune mariée, le lendemain de la nuit de noces. L'homme peut répudier sa mariée si elle ne fait pas la preuve de sa virginité lors de la nuit de noces. La preuve est matérialisée par l'écoulement de sang. Or, tout bon médecin vous le dira : le premier rapport sexuel n'entraîne pas systématiquement la rupture et le saignement de l'hymen. C'est ainsi que des mariages ont été annulés juste après la nuit de noces, par des hommes indignés que leur jeune épousée n'ait point saigné !
Le point de vue de la psychologie
Pour Freud, la transgression du tabou de la virginité est célébrée par la cérémonie du mariage. Mais le tabou serait apparût dans les sociétés primitives et tribales, donc bien avant l'avènement des religions. Il serait dû au conflit psychologique entre un puissant désir et un interdit encore plus fort. Plus le désir est fort et plus le tabou est puissant. Dès lors, la personne qui a transgressé le tabou est gênante pour l'ensemble de la communauté, qui doit la rejeter d'une façon ou d'une autre (en l'excluant ou, dans des cas extrêmes, en la tuant) pour laver l'honneur.
Entretenir son aversion pour la personne qui a transgressé le tabou est nécessaire pour préserver la conscience morale et éviter toute tentation de l'imiter. Celle qui a transgressé le tabou de virginité, s'attire non seulement les foudres du Ciel et le rejet des siens, mais elle souffrira certainement de culpabilité aussi.