Quels textiles portaient les anciennes Egyptiennes ?
Des textiles sont souvent mis au jour dans les sites archéologiques du désert Oriental d’Egypte. Dans la carrière impériale du Mons Claudianus, les fouilleurs ont rempli pas moins de douze grandes cantines métalliques avec des tissus – formant au total environ 1,25 m3 – comprenant des dizaines de milliers de chiffons sales, la plupart en fragments, mais aussi quelques vêtements plus ou moins complets parmi lesquels des tuniques, des chapeaux et des chaussettes. Car oui, les Egyptiens de l’Antiquité portaient des chaussettes, à partir du 1er siècle avant notre ère environ.
Les Egyptiennes portaient des vêtements superposés, plus elles étaient riches et plus elles portaient des couches de vêtements ! Les Egyptiennes étaient pudiques : elles se couvraient alors qu’elles habitaient dans un pays chaud. Elles agrémentent leurs robes de perles, de fils d'or ou de broderies. Elles s'enveloppent dans un châle à franges qui recouvre l'épaule gauche, laissant découverts l'épaule et le bras droit. La laine de chèvre était portée mais rarement, car réservée aux plus riches.
Fibres, fils et tissus
La première tâche des chercheurs a consisté en une description générale de chaque pièce enregistrée, de leurs fibres, des fils, du tissage, de leur densité, de leur couleur, des bordures, de la décoration, de leurs réparations ou de toute autre caractéristique. La grande majorité s’est révélée être de la laine (90 %), bien que d’autres fibres telles que des poils de chèvres (4 %) ont pu être identifiées. Les fibres végétales sont rares (5,5 %) et leur nature exacte est difficile à identifier ; il y a sans doute dû y avoir du lin, du chanvre et peut-être un peu de coton.
Les fils peuvent être torsadés de deux façons, dans le sens horaire (z) et dans le sens contraire (s). Ils peuvent être aussi composés d’au moins deux fils simples retordus en S ou en Z (fig. 1).
La plupart des textiles de Mons Claudianus ont été réalisés avec des fils simples torsadés en s, aussi bien pour le fil de chaîne que pour le fil de trame. Cela s’applique en particulier aux tissus en fibres libériennes (lin/chanvre). Les tissus en poils de chèvre étaient généralement faits de fils retordu en Z pour la trame et la chaîne. Comme les fibres de liber, les textiles de laine sont principalement faits de fils torsadés en s pour la trame et la chaîne..
Presque tous les textiles de laine de Tell el-Amarna sont réalisés en fils torsadés exactement comme au Maghreb
Comme nous le verrons plus loin, le choix des types de fils varie considérablement en fonction du tissage. Ceci est d’un grand intérêt, car le choix du sens de filage dépend souvent de la tradition locale. Dans la plupart des sociétés, la norme privilégie un sens. La torsion des fils de chaîne suit habituellement cette norme, mais des fils de trame torsadés dans la direction opposée sont parfois choisis pour obtenir une texture différente. Dans certains cas, on a utilisé des groupes de fils dont le sens de torsion était alterné pour obtenir des effets visuels. On les appelle décors à changements de filage. Des bandes décoratives peuvent être également réalisées à partir de fils torsadés en sens contraire. Le mode de torsion peut donc caractériser des importations.
Dans l’Égypte ancienne, on préférait le fil torsadé en s. Cette préférence remonte aux débuts de la période dynastique et ne se limite pas aux tissus de lin : presque tous les textiles de laine de Tell el-Amarna (XVIIIe dynastie c.1550-1290 avant J.-C.) ont été réalisés avec des fils torsadés en s. Cette pratique semble avoir persisté durant la période romaine, et se retrouve également en Nubie dans le groupe méroïtique X et au cours de la période paléochrétienne (c. 100-850 après J.-C). Dans d’autres régions d’Afrique du Nord, les fils torsadés en z semblent avoir eu la préférence, bien que les fils torsadés en s étaient aussi en vigueur ! Mais le corpus des trouvailles est encore insuffisant pour étayer cette thèse.
Les textiles de laine et de lin trouvés en Syrie et en Palestine sont de préférence réalisés avec des fils torsadés en s, mais les tissus trouvés à Palmyre, que ce soit les cotonnades ou les tissus de laine fine, en particulier les sergés, sont faits de fils torsadés en z. Les tissus originaires d’Iran et d’Inde ont longtemps été considérés comme fabriqués avec des fils torsadés en z. Malheureusement, les preuves manquent. Dans les provinces romaines septentrionales et dans une grande partie de l’Europe, les fils torsadés en z sont la norme depuis 1500 avant J.-C. et tout au long du premier millénaire de notre ère.
On retrouve donc des points communs dans toute la région Maghreb et en Egypte (surtout Tell el-Amarna) dans le tissage, la torsion de la laine, ce qui peut attester que des exportations de laine se faisaient du Maghreb en Egypte, d’une part, et que d’autre part, les anciens Egyptiens portaient des textiles laineux. Les tissages mis au jour au Mons Claudianus sont principalement des toiles, bien que les sergés et les damassés représentent près de 6 % de l’échantillon aléatoire et 10 % du total. Parmi les autres armures de tissage on trouve aussi des toiles nattées et demi-nattées (fig. 2), des taquetés façonnés, deux pièces de toile double, cinq exemples de soi-disant "tricots coptes", un galon tissé à la tablette et 76 fragments de feutre.