Renonçant à un mariage arrangé par ses parents, Ayse a tout quitté pour François.
Ayse est la fille de parents turcs qui étaient venus faire leur vie en Autriche. Son père avait déjà deux filles issues d'un premier mariage. L'immigration s'est bien passée : les affaires du père ont prospéré, les enfants ont grandi et parlaient mieux l'allemand que le turc. Un jour pourtant, le père décide de retourner en Turquie avec Ayse (qui a alors huit ans) et son frère. Les deux sœurs aînées, elles, restent en Autriche. Après plusieurs années passées dans "un pays où on n'avait pas notre place" dit Ayse, le père décide de repartir en direction de la France, dans la région grenobloise.
Interdictions
Ayse est éduquée avec des principes moraux très stricts. Elle ne peut pas fumer, parce qu' "une femme avec une cigarette, c'est une p...". Ne peut pas aller à la piscine, "parce qu'une fille ne peut se mettre en maillot de bain devant des garçons". N'a pas le droit d'aller au cinéma, "parce que c'est mal famé". Ne peut se promener seule parce qu'elle "risque de rencontrer des "zibidis", des gens pas fréquentables".
Chaque matin, à 6h30, quand elle arrive au travail, elle téléphone pour rassurer ses parents. Et quand elle en sort, elle les prévient qu'elle est bien rentrée. "Je n'ai jamais pu aller chez une amie. J'avais honte de dire qu'à 25 ans, mes parents ne voulaient pas me laisser sortir. J'inventais des excuses.". Un jour, elle craque, parle à son père de ces interdictions qui l'empêchent de vivre. Il lui dit: "Je te comprends, mais on a peur pour toi." Peur des mauvaises rencontres...
Obsession
Une rencontre, Ayse en fait une très belle, pourtant. Il s'appelle François et travaille avec elle. "On a tout de suite eu un bon contact, on se plaisait.". C'était il y a trois ans. Depuis, ils s'aiment, clandestinement. Ils se voient au travail et se retrouvent en cachette, mais jamais la nuit. Quand ils sont ensemble, Ayse appelle au magasin de ses parents, pour savoir s'ils sont en route pour la maison. "Une fois, on pensait que mes parents étaient en voyage, mais ils sont revenus plus tôt que prévu. François est resté dans un placard et est reparti sur la pointe des pieds, vers 2 heures du matin.". La famille ne sait rien. Elle a, de toute façon, d'autres projets pour Ayse.
Un été, en Turquie, on présente à Ayse un cousin, Ahmet. "Il est de la famille, c'est mieux que quelqu'un dont on ne connaît pas le passé", lui répète sa mère. On met continuellement la pression à la jeune femme pour qu'elle épouse son cousin. "Je voulais faire plaisir à mes parents, je ne pouvais pas dire non."
Ayse cède et accepte de se fiancer avec son cousin. Ce dernier passe souvent la chercher pour des promenades. "Ma grand-mère était choquée : ça ne se fait pas.". L'obsession de la bienséance, toujours. La peur surtout, qu'avant son mariage, Ayse perde sa virginité. Ahmet tente effectivement quelques gestes intimes, mais Ayse le repousse. "Il croyait que j'étais timide, mais en vérité je pensais à François.", explique la jeune Turque.