Abi, baba... en Arabe, papa en Français, tous ces mots pour désigner celui qui nous a engendré et pour lequel nous avons des sentiments de profonde affection ou au contraire, un profond ressentiment. Une chose est sûre, la présence ou l'absence d'un père influe toujours sur notre comportement.
Pères absents
Alors que l'on reprochera aux mères excessives leur trop grande implication dans la vie de leurs enfants, à l'inverse, c'est leur absence que l'on reproche parfois aux pères.
Pères peu concernés par la vie familiale, pères indignes ou pères irresponsables, pères maltraitants et, pourquoi pas, pères gangsters..., ces pères défaillants causent du tort aux enfants et sans doute bien plus qu'on ne le croit! Alors, pour combler l'absence de l'image paternelle, l'enfant peut s'en créer un symbolique ou s'en trouver un de substitution, en la personne d'un professeur, d'un patron, d'un proche ou d'un ami plus âgé... C'est dire l'importance du père !
Et quand le père et là, présent et structurant, ce n'est que du bonheur! Ou presque, puisqu'il y a forcément des moments de tension entre un père et son enfant.
Une relation assez mystérieuse
Nous parlons beaucoup de notre relation avec notre mère. Relation fusionnelle, relation conflictuelle ou relation complice, notre relation avec notre maman a été analysée sous tous les angles. Mais que savons-nous réellement de notre relation avec notre père? Peu de choses finalement, car nous avons plus de pudeur à évoquer nos relations avec le Paternel.
Le côté divin, sacré, du père dans les sociétés patriarcales doit y être pour quelque chose. En effet, outre le fait que le père soit un symbole de l'ordre et de l'autorité, il y a quelque chose de l'ordre du divin chez le père. Dans l'imaginaire collectif judéo-chrétien, l'image du père renvoie à celle de Dieu et vice versa.
L'expression "Dieu le Père" parle d'elle-même; Dieu est le père des croyants. Le père a donc un côté tout-puissant voire inaccessible. Contrairement à la mère avec laquelle nous entretenons des proximités charnelles évidentes - c'est la mère qui porte l'enfant et le met au monde - la proximité affective avec le père est, elle, moins instinctive. Elle se construit. En effet, si on aime sa mère d'instinct, avec son père, le lien d'amour est moins évident, il s'instaure avec le temps, en apprenant à faire sa connaissance.
On ne naît pas fils ou fille de son père, on le devient. Et le père est bien plus qu'un géniteur. Le rôle du "bon père de famille", dans les sociétés patriarcales, a toujours été de nourrir sa progéniture, de la protéger, de la mettre à l'abri des dangers de la société et par-dessus tout, de faire preuve de raison.
Un père juste, droit et raisonnable, voilà ce qu'était le père idéal d'antan. Traditionnellement, le père oriental est distant avec ses enfants, car il a un rôle d'exemple, il doit élever - au sens de les faire grandir - ses enfants avant de leur donner de l'affection. Il est celui qui donne des repères, qui structure et qui rassure.
Le père musulman est le tuteur de sa fille, il ne cède son rôle qu'à l'époux de sa fille. La femme berbère avait, selon la coutume, le droit de continuer de porter le nom de son père, même une fois mariée. Et tant qu'elle ne l'était pas encore, il la protégeait contre les hommes qui auraient de mauvaises intentions à son égard!
Aujourd'hui, le père veut que ses filles soient respectées dans leurs droits. Le père dont les moeurs ont évolué ne souhaite plus voir sa fille souffrir du poids des traditions aveugles ou mutilantes. Il sait que, contrairement aux temps passés, les filles ne sont plus une charge financière pour la famille et qu'elles sont les égales de leurs frères.
Le droit d'être humain
De plus, le père n'a plus envie d'être confiné à son devoir social voire divin, il veut être un humain. Il réclame sa part d'affection et retrouve la douceur de l'enfance grâce à ses enfants qu'il est désormais en droit de câliner et avec lesquels il aime jouer et partager d'agréables moments d'insouciance.
Et ma foi, les enfants ne s'en plaignent pas trop il nous semble. Pour autant, le papa moderne est encore et toujours celui qui structure ses enfants. Il les pousse à la réussite et s'en montre fier tout autant que la mère.
C'est ce que le sociologue Choukri Memni explique à propos des nouveaux pères tunisiens. On savait que les mamans poussaient souvent leurs filles et leurs fils à réussir, parce qu'elle aimerait leur donner cette réussite en héritage. Mais le père tunisien moderne est lui aussi concerné par la réussite de ses enfants: "Féministe malgré lui quand il s'agit de sa fille, conservateur et dans une logique de transmission du nom et de la position sociale et familiale quand il s'agit de son fils, le papa tunisien envisage la réussite de sa fille et de son fils différemment.", explique le Docteur Memni.
Mais il faut souligner que ce père moderne s'est rapproché de ses enfants car "il les a souvent langés, coiffés, nourris, et il a ainsi eu le privilège de connaître avec eux de merveilleux moments d'échanges affectifs, alors que lui ne se souvient plus si son père l'a jamais embrassé", analyse enfin le Dr Memni.
Ajoutons, pour conclure ces propos, que le père moderne dit "je t'aime" à ses enfants et rien que cela, c'est une révolution par rapport au passé.