Femmes arabes et psychopathologie

Femmes musulmanes
Femmes musulmanes

Selon une étude de la condition des femmes des pays arabes, effectuée par le Dr Rita EL KHAYAT, psychiatre, l'état des lieux en matière de psychopathologie dans le monde arabe est assez attristant pour les femmes : dépressions, recrudescence des tentatives de suicide, troubles de l'humeur, psychoses puerpérales... Le tableau est sombre.

Le Dr El Khayat explique que ces troubles trouvent leur origine non seulement dans la féminité elle-même, car l'inconscient se structure par l'expérience charnelle, mais également dans l'environnement socio-familial. Les troubles psychologiques peuvent donc être liés à la fois à la condition féminine et au statut social.

La dépression chez les femmes arabes: la société en cause?

Le constat est cruel, mais la condition sociale impartie aux femmes des pays arabes est la pire du monde! Rien que pour cela, il y a matière à devenir dépressive, selon le Dr El Khayat.

Mais celle-ci se défend de faire de la psychiatrie sociale comparée avec d'autres sociétés. En effet, chacune a ses failles, pouvant être sources de déséquilibre psychologique. Il s'agit donc simplement de souligner l'impact de la société arabe sur la psychologie des femmes et, le cas échéant, sur leur psychopathologie.

Pour commencer, il s'avère que dans le monde arabe, les troubles sexuels féminins sont les plus fréquents, mais aussi les moins simples à traiter, probablement à cause des tabous culturels.

Parmi ceux-ci, on citera le vaginisme, la frigidité, la dyspareunie (rapports sexuels douloureux), l'anorgasmie, ou encore le reniement de l'homosexualité. On a même vu apparaître des perversions (comme l'inceste pédophilique) chez des filles vierges, du fait d'une éducation sexuelle trop répressive.

Dans la société arabe traditionnelle et patriarcale, la femme ne sert qu'à donner des enfants. Comme elle n'a pas de moyens juridiques modernes, souffre des mentalités vieillottes et ne trouve pas satisfaction dans la sexualité (réprimée), elle va donc exprimer son mal-être par des troubles psychologiques plus ou moins graves, parmi lesquels on peut citer :

Les dépressions

Les dépressions affectent énormément de femmes arabes, surtout les femmes ménopausées et/ou âgées. Qu'il s'agisse de dépressions simples ou masquées, elles retentissent gravement sur leur entourage. Elles sont de plus en plus en fréquentes du fait que les rôles des femmes changent sans que pour autant les transformations au niveau familial, social et anthropologique ne s'opèrent comme elles le devraient.

Selon le Dr E.K, "La dépression est le mode de réponse moderne des femmes arabes à la précarité et à la difficulté de leur existence".

Sont notamment touchées par la dépression les femmes qui arrivent à l'âge de la ménopause, ou qui sont âgées et qui ne bénéficient pas du statut qui était autrefois valorisé. Les femmes dont le mari est infidèle ou qui a d'autres épouses, sont elles aussi touchées par la dépression.

Mais étrangement, la dépression et les troubles de l'humeur sont considérés comme faisant partie de la vie par les populations arabes. Le recours à des marabouts et autres "désensorcelleurs" est alors légion, surtout en Afrique du Nord. Ainsi, le Dr E.K. souligne que dans les familles arabes, on se résigne souvent à penser que la personne malade ou déséquilibrée est possédée par le démon.

Femme pensive
Femme pensive

Les troubles obsessionnels compulsifs (T.O.C.)

Les T.O.C. seraient, d'une façon générale, plus fréquents chez les femmes que chez les hommes. Le Dr E.K traite en effet cinq fois plus de cas de T.O.C. chez les femmes que chez leurs confrères masculins! Les femmes arabes seraient tout particulièrement concernées. Des jeunes filles présentant des obsessions liées à la propreté, ayant des idées parasites affectant leurs mécanismes religieux ou une phobie de la perte de virginité, sont de parfaites candidates pour les T.O.C..

Le plus souvent, les symptômes des T.O.C. éclosent au moment où la femme entame une vie sexuelle active ou après la naissance d'un enfant. Ils sont alors très lourds et invalidants dans la vie quotidienne.

L'explication de ces T.O.C. peut résider dans l'éducation répressive de la fille, sur le plan de la sexualité, comparé au garçon, autorisé à utiliser librement son corps (si on excepte les relations homosexuelles).

Le suicide et la tentative de suicide (T.S.)

Au Maroc, les chercheurs sur le suicide ont été frappés par le nombre alarmant de T.S. dans les services de réanimation médicale. Il y a plus de 20 ans, les femmes commettaient dix fois plus de T.S. que les hommes, qui eux, commettaient plus souvent des gestes suicidaires graves et mortels. Bien que l'islam interdise le suicide, paradoxalement, il serait devenu au Maroc une sorte de réponse au désarroi existentiel. Plus effrayant encore, depuis 20 ans, il y a autant de femmes qui se suicident que d'hommes au Maroc.

Si la femme utiliserait la T.S. surtout comme un moyen de chantage sur son entourage, cela n'est pas moins révélateur d'un profond mal-être.

Les psychoses puerpérales (P.P.)

Le nombre de P.P. est plus important au Maghreb que dans les états européens ou américains (Cf. les archives du périodique "Maghreb Medical"). D'après le Dr E.K., la grossesse et la maternité reposent la femme dans sa relation avec sa propre mère et dans son vécu avec la mort. Pendant la grossesse et après l'accouchement, l'affectivité de la femme devient fragile et même infantile. Or, dans les sociétés arabes, les mères infantilisent leurs filles parce qu'elles sont elles-mêmes restées enfant. Cette attitude dans l'éducation les paralyse dans des schémas mentaux immatures.

De plus, les jeunes mères n'ont, le plus souvent, pas été préparées à le devenir. Pour expliquer l'immaturité actuelle des mères, transmise de génération en génération, il faut se souvenir que la grossesse avait lieu beaucoup plus tôt lorsque la durée de vie était moindre et que la société arabe était complètement analphabète. A 13 ou 14 ans, les filles attendaient déjà leur premier enfant !

Conclusion

Malgré les difficultés rencontrées actuellement par les femmes du monde arabe, le Dr El Khayat reste optimiste et convaincue que ces divers troubles peuvent être traités ; selon elle, les populations arabes devraient faire suivre des traitements aux personnes qui souffrent de troubles psychologiques, plutôt que de "prier tous les saints" ! Elle invite également les psychothérapeutes à s'affranchir des traitements aliénistes et de ne pas enfermer les femmes, mais au contraire, de "les laisser advenir à elles-mêmes.".

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Mis en ligne : Samedi 28 Juillet 2007
 
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