Rien ne prédestinait Sonia, cette jeune fille sérieuse de 20 ans, à vivre dans la rue. Mais un événement dramatique l’a poussée à fuguer et elle s’est brutalement retrouvée Sans domicile fixe.
Ma vie d’avant
"Avec mon DUT commercial en poche, j’ai enchaîné les petits boulots. Ma priorité, c’était d’avoir un job et d’être indépendante financièrement. Je ne voulais pas être dépendante comme ma mère. A la maison, mon père était très exigeant avec elle, et moi j’étais une fille obéissante. Puis, il y a quelques mois, je me suis rebellée. Je disais à table que ma mère avait une vie horrible et que je ne voulais pas vivre comme elle. Mes relations avec mes parents se sont dégradées. A la rentrée, je me suis inscrite en BTS tourisme en alternance et là les problèmes ont commencé… Après avoir galéré pour trouver une entreprise, j’ai été engagée dans une agence de voyages. Mon patron, qui connaissait ma situation difficile, en a profité pour me faire chanter. Je devais faire tout ce qu’il me demandait ou bien il me mettait à la porte. Or ce boulot était mon passeport pour la liberté".
Photo Laura Léglise©
Des rapports de plus en plus tendus avec mon entourage
Les exigences de mon patron devenaient de plus en plus extravagantes, jusqu’au jour où… il m’a violée. Ce cauchemar a duré neuf mois. Je rentrais de plus en plus tard à la maison et mes relations conflictuelles avec mon père s’aggravaient. Malgré la pudeur et la honte, je me suis confiée à ma meilleure amie.
Elle m’a conseillé de consulter un psy, ce que j’ai fait et le psy m’a conseillé de parler de ce que j’avais vécu à ma mère. Malheureusement, ma mère en a immédiatement parlé à mon père, qui a très mal réagi. Pour mes parents c’était sûr, j’avais provoqué mon patron, tout était de ma faute… Et puis, je n’étais plus vierge, donc pour eux je ne pouvais plus me marier. A la maison, ça devenait insoutenable, ils ne me parlaient plus que du viol que j’avais subi !.
Ma fugue
Un jour, je les ai surpris en grande conversation, ils étaient en train de dire qu’ils m’enverraient au bled pour me marier là-bas. Aussitôt, j’ai pris quelques affaires et je me suis enfuie. J’ai déambulé toute la journée dans Paris. Je restais dans les parcs, les jardins publics, en essayant de ne pas me faire remarquer. Je ne savais pas où j’allais dormir ce soir-là. J’étais encore sous le choc… J’ai erré pendant quelques jours et j’ai eu peur parfois, car une fille seule avec un sac de voyage sur l’épaule, ça ne passe pas inaperçu. Au bout d’un moment, je me suis décidée à appeler des copains de copains qui m’ont accueillie chez eux. J’ai dormi comme ça, à droite et à gauche, pendant plusieurs jours. Tout en n’ayant que 20 euros en poche.
L’hébergement d’urgence
Et puis un jour on m’a parlé d’un centre d’hébergement d’urgence pour les femmes. Je m’y suis rendue et j’ai pu raconter mon histoire. Le soir même, un bus est venu nous chercher pour nous emmener dormir dans un hôpital. Là-bas, il y avait des femmes en grande difficulté : des alcooliques, des droguées, mais aussi des femmes qui donnaient l’impression de ne plus vouloir s’en sortir. C’était très dur, les souffrances, les odeurs, les visages démolis… Après quatre nuits passées là-bas, j’ai rencontré Mona Chasserio, qui s’occupe des SDF. Elle m’a proposé de venir vivre dans la maison "Cœur des femmes". Dès la première nuit passée là-bas, je n’ai plus voulu en repartir. J’y vis maintenant depuis trois mois.
Le début de ma reconstruction
Aujourd’hui, je me reconstruis petit à petit. Et je réapprends à vivre normalement. Même si je ne suis pas chez moi, je me sens en sécurité dans ce foyer d’accueil. Chaque jour, je me sens mieux ! Nous avons diverses activités : des ateliers de théâtre, de danse… Je fais la cuisine une fois par semaine. Au foyer, chaque fille a un passé très douloureux, avec son lot de souffrances. Il y a parfois quelques clashes mais dans l’ensemble, nous nous entendons bien. Tous les moments difficiles (la peur, la rue, l’inconnu, ne pas savoir où poser son sac) sont derrière moi maintenant. Il y a un mois, j’ai rencontré Paul, mon petit ami. Grâce à lui, j’ai encore plus envie de m’en sortir. J’ai donné de mes nouvelles à mes parents mais pour l’instant, je ne veux pas les revoir. Dès que j’irais mieux, je ferai des petits boulots pour financer une formation accélérée et je retenterai le concours d’Air France.".