Depuis le 19ème siècle, la population française a été agrandie par l’arrivée de plus d'un million d'Algériens. L’intégration des Algériens immigrés a toujours été problématique, on est en droit de se demander si ils ont été correctement accueillis par le pays, s'il y a eu, au moins un temps, de la bienveillance à l’égard de cette population.
Que cela soit perçu, enfoui dans la conscience collective ou encore vif dans la mémoire des individus, il existe des points bloquants à l'assimilation des Algériens ou des personnes d'origine algérienne en France.
En effet, par le passé, sans même entrer dans les détails des exactions commises durant la colonisation de l’Algérie sur plus d’un siècle par la France, il y a eu des évènements qui n’ont jamais été reconnus, réparés et donc apaisés. Nous les avons répertoriés ci-après.
A l’époque où l’Algérie était un département français – et pas seulement une colonie – l’Etat français considérait différemment ses citoyens. Les Algériens autochtones étaient appelés les Musulmans ou les Juifs - qui seront naturalisés français par la suite - mieux acceptés contrairement aux Algériens de langue arabe et de religion musulmane. Les colons étaient appelés les Européens et sont rapidement devenus Français, quelque fût leur origine (Espagne, France, Italie, Malte, …).
Quand la Première guerre mondiale fut déclarée, la mobilisation s’effectua sans problème en Algérie. Les Français d’Algérie furent mobilisés dans les mêmes conditions que les Français de métropole. De 1914 à 1918, 73 000 Français d’Algérie servent dans l’armée française. Environ 12 000 sont tués ou portés disparus sur les champs de bataille de la Grande Guerre. Ce contingent est renforcé par les hommes nés en Algérie de parents étrangers et qui ont opté, à l’âge de leur majorité, pour la nationalité française. Près de 60 % des fils d’étrangers font ce choix.
173 000 Algériens musulmans sont incorporés dans l’armée française (80 000 appelés et 60 000 engagés) pendant la Première Guerre mondiale. Près de 125 000 d’entre eux servent en France. 26 000 soldats musulmans ont été tués ou portés disparus en France, en Afrique du Nord et sur le front d’Orient. La participation importante de cette population à la défense de la France semble avoir été oubliée et absolument pas reconnue à sa juste valeur.
1945, en Algérie alors Française sur le plan administratif, l'armée française massacre des Algériens qui manifestent pour obtenir l'égalité juridique entre Algériens musulmans et pied-noir, à Sétif, Guelma et Kherrata. Les répressions dans le sang font près de 45 000 morts.
Un croiseur, parti de Bejaia a bombardé Sétif! Ce fut qualifié de véritable pogrom par les historiens anglais. Pour les colons, cet horrible massacre avait brisé les mouvements nationalistes, alors que ces mouvements de libération étaient fragmentés en factions rivales.
Octobre 1961: les Algériens de France manifestent pacifiquement et en silence contre un couvre-feu qu'on leur impose! En effet, pour éviter les activités du Front de Libération National algérien (le FLN), on interdit à tous les Algériens de circuler librement dans les rues après 20 heures. Beaucoup de femmes au foyer et de modestes travailleurs qui ne s'estiment pas concernés par cette mesure restrictive de leurs libertés, manifestent: à cette époque, il y avait environ 30 000 Algériens en France. Maurice Papon ordonna à la police de réprimer la manifestation de protestations. Les Algériens ne se défendaient même pas. Si le couvre-feu représente une sérieuse gêne pour les travailleurs algériens, il entrave considérablement le FLN dans ses activités vespérales et nocturnes de réunions, de prélèvement des "cotisations", de préparation d'opérations, d'application de "sanctions" contre ceux qui sont contre le FLN. Toujours est-il que le bilan est lourd: il y a eu 100 morts et plus de cents disparus, innocents, pour la plupart. Le FLN ne se montrait pas et avait des activités discrètes. A cette époque, les travailleurs algériens, réputés francophones et dociles, étaient appréciés pour en quelque sorte "briser" les grèves des travailleurs français: à cause de cela, ils étaient très mal vus par les travailleurs français, alors que les travailleurs algériens ne savaient pas ce qu'il se tramait dans leur dos.
L'émigration vers l'Occident "gâwri" (Injuste) est de moins en moins perçu comme le gage d'une sécurité financière. Jusque-là beaucoup d'Algériens travaillaient au quartier de l'Estaque, à Marseille ou dans les Mines dans le Nord Pas-de-Calais.
1973: Le président algérien Boumediene décide d'arrêter l'émigration des ressortissants algériens vers la France. Il y a deux types d’explications. D’une part l’officielle: une vague d’attentats racistes commence en 1971; entre mars et juin, huit Algériens sont victimes d’attentats. D'autre part, il préfère que ses compatriotes et administrés rentrent chez eux, car il s'apprête à briguer un deuxième mandat.
1973, à Marseille, se produisent de nouvelles agressions contre des Algériens, des foyers de travailleurs algériens de la Sonacotra sont attaqués, cela dans un contexte de développement de l’extrême droite au racisme anti-algérien marqué, où l’influence de l’OAS est encore importante. Cela conduit Boumediene à parler d’insécurité pour les ressortissants algériens en France. 1974 marque un tournant: c'est la fin de l'émigration "massive". De plus de 180000 entrées en 1974, on passe à environ 83 000 entrées d'Algériens sur le sol français en 1976. "Ils ont voulu l'indépendance", disent ceux qui sont hostiles aux Algériens, "alors ils n'ont pas à se plaindre".
Mais les choses ne sont pas aussi simples puisque des Algériens ont épousé des Françaises et ont eu des enfants avec celles-ci.
En particulier pendant les années 1978 à 1980, après avoir été incités à venir travailler en France pour occuper des emplois difficiles voire ingrats, des postes qui ne trouvaient pas preneur jusqu’alors, les travailleurs algériens sont retournés en Algérie.
Après avoir utilisé cette main-d’œuvre docile et bon marché, les employeurs français ont procédé à des licenciements brutaux en masse. Ainsi plusieurs dizaines de milliers d’Algériens ont été contraints (par des tracasseries) par les autorités françaises de retourner en Algérie pour ne pas avoir à indemniser ces travailleurs au chômage! En fait, ils se sont vus infliger une double peine.
L'année 1983 est marquée par des faits divers racistes tragiques dont cinq Maghrébins tués pour motifs racistes selon le Ministère de l'Intérieur, 21 selon les organisations de lutte contre le racisme, comme le jeune Toufik Ouanes, âgé de moins de dix ans tué par balles parce qu'il faisait trop de bruit, selon un voisin. Le meurtrier a été condamné à... 2 ans de prison !
C'est cette vague de racisme anti-Algériens qui est l'origine de la Marche pour l'égalité et contre le racisme, surnommée "Marche des beurs" par les médias, marche pacifique qui avait pour but d'essayer de mettre un terme à cette vague de violences envers les Maghrébins, surtout envers les Algériens, les plus haïs.
Durant l'été 1983, de rudes affrontements opposent policiers et jeunes dans le quartier des Minguettes à Vénissieux, une ZUP dans la banlieue lyonnaise. Pendant les affrontements, Toumi Djaïdja, le jeune président de l'association SOS Avenir Minguettes, est grièvement blessé par un policier et transporté d'urgence à l'hôpital.
Le 15 novembre 1983, trois skinheads s'en prennent à un simple touriste algérien, Habib Grimzi, qui était venu rendre visite à sa copine française. Il prenait le train de Bordeaux pour Vintimille, pour ensuite rentrer en Algérie en bateau. Il n'arrivera jamais à destination. Un groupe de trois énergumènes, composés de deux Français et d’un Espagnol, décidèrent de le tuer, parce qu'il était Algérien. Ils le rouèrent de coups, et malgré ses cris et ses supplications, le poignardèrent et le jetèrent par la fenêtre à Castelsarrasin, près de Toulouse, dans l'indifférence des 95 passagers du train : aucun d'entre eux n'a tiré la sonnette d'alarme. Mais aussi dans l'indifférence du contrôleur de wagon, qui prétendit s'être endormi au moment des faits. Ce drame a beaucoup touché les gens et a même été adapté au cinéma avec "Train d'enfer" de Roger Hanin. Les trois assassins ont, pour deux d'entre eux, écopé de peines minorées.
Depuis ce drame, le racisme envers les Algériens semble s'être calmé. Il est moins prégnant qu'avant. Cela étant dit, il y avait autrefois la possibilité pour les immigrés algériens de faire venir leur famille - femme et enfants - en France. Actuellement, ce regroupement familial est remis en cause non pas dans le cadre de la loi, car on fonctionne toujours dans le cadre de l’accord franco-algérien – les dernières modifications datent de juillet 2007 –, mais du fait d’un système de tracasseries administratives qui rendent souvent difficile la venue de la famille.
Chacun doit prendre conscience que, en rien, l'immigration algérienne n'a été grandement facilitée, comme on peut l'attendre de la part de partis politiques racistes, qui y ont intérêt.
Il ne faut pas minimiser l’impact sur les consciences actuelles de toute cette histoire car elle n’est toujours pas assumée du côté de la France. Si on prend d’autres exemples, comme les Indiens d’Amérique ou les colonisations d'Amériques du Sud par les Espagnols, on retrouve les mêmes difficultés pour les populations rescapées à s’intégrer dans le pays qui était jadis le leur.
Malgré ces évènements tragiques, les Algériens sont profondément attachés à la France et aux Français, et de toutes les ethnies qui composent la population française, les Algériens ont probablement le plus grand potentiel pour arriver à vivre en paix sur le territoire français, encore faut-il avoir le courage de reconnaître les torts causés dans le passé, les prendre en compte afin d’aller tous dans le bon sens.
Le président Emmanuel MACRON avait fait la promesse de reconnaître les horreurs du passé, il semble que cela soit encore un rendez-vous manqué avec un apaisement entre les peuples qui pourtant pourrait être si salutaire.