Le tombeau d'Abalessa est peut-être le tombeau de la reine Tin Hinan

Hoggar, Algerie, Sahara
Hoggar, Algerie, Sahara

Le récit de la reine Tin Hinan est dans toutes mes mémoires: la légende des Touarègues dit qu’une reine venue du Nord appelée Tin Hinan s’était installée dans le Sud pour donner naissance aux Touarègues, et leur a apporté les connaissances.

Sur les territoires où vivent les Touarègues actuellement, au sud de l’Algérie, se trouve un tombeau. Il est situé sur une colline près de l’oasis d’Abalessa. La nécropole du Sahara est composée de tombes situées à côté de quelqu’un de prestigieux, c’est un endroit rempli de sainteté. Mais ce tombeau est-il celui de la reine Tin Hinan ?

En 1925 quand les premiers archéologues français sont venus pour faire des fouilles dans cette nécropole, les Touarègues leur avaient indiqué qu’ils venaient sur ce site pour vénérer une reine morte depuis des siècles, toutefois nul ne savait dire parmi les Touaregs où se trouvait exactement la dépouille de Tin Hinan.

Par la suite, les archéologues ont fini par découvrir un corps caché dans une des pièces du mausolée. Ce qui est sûr, c’est que l’on a retrouvé dans ce tombeau la dépouille d’un individu de rang royal qui aurait vécu à partir de la seconde moitié du IVè siècle. De plus, le mobilier et les bijoux qui accompagnaient le corps sont typiques du nord du pays, plus précisément de type berbère. Enfin, une expertise anthropométrique a permis de démontrer qu’il s’agit d’une femme de type caucasien.

Les Touarègues étaient persuadés que ce monument funéraire était le tombeau de leur reine légendaire. Ces faits concrets donnent corps à la légende Tin Hinan.

Un monument funéraire qui s’organise comme l'habitation méditerranéenne

Les archéologues français en arrivant sur la colline qui domine la rive gauche d'Abalessa, découvrirent un monument construit en pierre, ce qui est très rare dans le Hoggar.

L’édifice est composé de 11 salles. Les surfaces des salles sont de 7m² à 42m² pour la plus grande. Les pièces communiquent entre elles. Les murs sont composés de pierres sèches. L’entrée du monument funéraire est située à l’est comme souvent dans les mausolées.

L’un des archéologues français, M. Reygasse, a longuement commenté les découvertes faites lors de ces fouilles ainsi que l’architecture de l’édifice. Ainsi il expliquait que la salle centrale, nommée salle 1, a la particularité de disposer de deux entrées : L’une avec la salle 2 et l’autre avec la salle 5.

C’est sous le sol de la salle 1, après avoir enlevé des dalles en pierre que les archéologues ont découvert un tombeau : celui de Tin Hinan. En outre, un couloir en forme de demi-cercle entoure les différentes chambres funéraires.

Cette disposition propre aux tombeaux d’Afrique du Nord permettait aux gens qui venaient se recueillir sur les tombes de venir passer du temps avec les Morts et d’en ressortir différent: la conception spéciale de ces salles permettaient en particulier les processions le long du déambulatoire et de sortir "autre" du sanctuaire en empruntant un parcours différent.

Les salles 2 et 5 furent les seules à avoir un mobilier à caractère funéraire, facilement associé à celui de la tombe de Tin Hinan. Ces salles avaient des aménagements intérieurs uniques, ainsi la salle 2 possédait un pavage de pierres. Dans la salle 5 fut reconnu en cours de fouille, une sorte d'autel rectangulaire en briques blanchies à la chaux. Dans cette même salle fut trouvé un objet de cuivre servant à distiller des liquides.

Sahara, Tombeau de Tin Hinan
Sahara, Tombeau de Tin Hinan

Les monuments à déambulatoire, c'est-à-dire ceux présentant un aménagement intérieur qui permet de contourner la sépulture grâce à un système de couloir ou de chambres, sont de plan très variable en Afrique du Nord. Les plus caractéristiques possèdent un couloir circulaire recoupé par une galerie qui, de l'entrée du monument, rejoint directement la chambre funéraire. Ce plan se retrouve aussi bien dans un tumulus voisin du Medracen que dans un mausolée d'époque chrétienne de la région de Ménerville.

Il existe d’autres sépultures de ce type en Afrique du Nord, appelés des Djedars. Ces monuments dans la région de Frenda sont de la même période que celui d'Abalessa, et ils présentent eux aussi un plan complexe comportant pas moins de 20 chambres pour le plus imposant.

Mais s'agit-il vraiment d'un monument funéraire? D'aucuns en doutent!

En se fondant sur une autre tradition orale selon laquelle le monument d'Abalessa n'était pas un tombeau mais un fortin construit par un roumi nommé Jolouta qui, chassé du Hoggar par des musulmans, se serait réfugié ensuite dans l’Adrar des Iforas, M. Reygasse a considéré qu'il s'agissait d'un gîte d'étape entre la Méditerranée et le sud du pays. Cette thèse a cependant été réfutée par les archéologues algériens.

Une association spatiale, association logique, association chronologique et le mobilier recueilli dans le monument ainsi que celui qui accompagnait le squelette (une gravure d’un cavalier, d’un chameau et de deux inscriptions libyques équivalentes à des épitaphes), laissent entendre que ce monument fut conçu, dès l'origine, comme un monument funéraire s'apparentant à l'architecture berbère protohistorique d’Algérie.

Selon nous, il ne peut s’agir que du tombeau de la reine Tin Hinan.

Bague en or
Bague en or

Dans la tombe ont été découverts par les archéologues : 7 bracelets en alliage d'argent,  des bracelets d'or, à hauteur de l'épaule gauche une petite coupe de pierre renfermant de l'ocre ainsi que des restes calcinés, au-dessous un petit paquet de plantes.

Un bracelet en argent, à hauteur du sternum, comme en portaient les Egyptiennes. Un petit anneau d'or et une feuille d'or repliée. Le pied droit était entouré de perles d'antimoine, à côté du pied gauche se trouvaient 5 perles en métal et un certain nombre de perles rouges.

Derrière la tête, autour du cou et sur les clavicules une centaine de grains de collier. À gauche du bassin une trentaine de perles de diverses couleurs ; des pièces de monnaie et de la poterie, comme celle que l’on a retrouvé à Germa, dans le Sahara algérien.

Dans les paniers des chambres voisines de celle où reposait le corps, se trouvaient quelques noyaux de dattes et graines : des offrandes. Mais aussi des bijoux, .etc.

À côté : une statuette de femme, certainement une déesse, un porte-bonheur en gypse poli, a été retrouvé également.

Ici, ce sont sept bracelets en or et huit en argent que portait le personnage du mausolée, d'un poids total dépassant 1,700 kg pour les premiers. Tous les bracelets en or étaient enfilés à l’avant-bras gauche ; celui de droite en portait sept en argent, le huitième étant placé sous ce bras droit.

Un Touarègue regarde le squelette d'Abalessa
Un Touarègue regarde le squelette d'Abalessa

L'or et l'argent sont exceptionnellement présents dans les sépultures protohistoriques du Maghreb et du Sahara (ce qui ne veut pas dire qu'au moment de l'enterrement, il n'y avait pas d'or dans le tombeau, mais il a pu disparaître).

Les orfèvres arabes étaient habitués à utiliser ce type de matériaux. Cette richesse jugée d’influence nord-africaine confirmait, en quelque sorte, la tradition maghrébine dans l’enterrement des morts avec leurs bracelets, leurs bagues d’une part ; la construction de tombeaux avec de multiples chambres, d’autre part.

Etude du squelette retrouvé près de l’oasis d’Abalessa

Le docteur Leblanc, doyen de la faculté de médecine d’Alger, était le premier, sur demande de Maurice Reygasse, à réaliser la première étude anthropométrique sur le squelette d’Abalessa. Le squelette qui mesure entre 1,70 et 1,75 m est, d’après Leblanc, celui d’une "femme de race blanche". Il se basera dans ses conclusions sur les caractères du crâne, la dimension réduite du sternum et des côtes, la forme des membres : "L'ensemble du squelette examiné rappelle fortement le type égyptien des monuments pharaoniques, le type des hautes classes, caractérisé par la grande taille élancée, la largeur des épaules, l'étroitesse du bassin ".

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Mis en ligne : Lundi 20 Juillet 2020
 
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