Née d'une mère libanaise et d'un père koweitien, Rola Dashti n'est pas vraiment représentative de la gent féminine koweitienne : À 42 ans, la jolie brune est "célibataire et heureuse", comme elle l'affirme elle-même. Depuis son plus jeune âge, elle éprouve une profonde aversion pour l'injustice. A l'école déjà, on la surnommait "l'avocat", parce qu'elle défendait ses camarades de classe dès qu'il lui semblait qu'ils étaient victimes d'une injustice. En 1982, elle a prêté main forte à la Croix Rouge internationale, pour aider des réfugiés au Liban, déchiré par la guerre. Elle a été aider les femmes en Tunisie et au Yémen.
Rula Dashti est titulaire d'un doctorat obtenu dans une prestigieuse université américaine. Elle avoue admirer cette société américaine, libérée des coutumes tribales rigides qui régissent sa patrie. "C'est un pays où vous récoltez les fruits de votre travail", déclare-t-elle. Son expérience aux Etats-Unis l'a stimulée dans son désir de faire évoluer son pays. En 1992, elle est revenue au Koweït avec la vaste ambition de le changer ! C'est à ce moment-là qu'elle a eu le déclic pour s'engager politiquement. "J'ai juste voulu avoir une voix", confie-t-elle. Une famille koweitienne l'a justement appelée pour lui dire qu'elle avait reporté ses vacances à l'étranger pour voter pour elle...
Dès que Rula Dashti a annoncé sa candidature, ses détracteurs n'ont pas hésité à recourir à des méthodes mesquines pour la décrédibiliser. Ils ont ridiculisé son accent libanais et pesté contre son ascendance perse. Ses affiches électorales ont été déchirées et les islamistes l'ont fustigée parce qu'elle ne portait pas le voile. "Si je mets le voile aujourd'hui, je sais que je pourrais augmenter mes chances d'être élue," avait-elle déclaré. "Mais je ne le ferai pas. Par respect, je ne me servirai pas de la religion comme d'un outil politique", avait-t-elle ajouté pour justifier son choix. A mesure que l'échéance des élections approchait, ses détracteurs poursuivaient leurs attaques. Au point que sa famille dut refuser toute boisson ou nourriture de la part d'inconnus, de crainte d'être empoisonnée. Rula Dashti a alors dénoncé ce qu'elle appelle "le terrorisme psychologique", qu'elle considère comme étant aussi préjudiciable que la violence qui a troublé des élections dans d'autres Etats du Moyen-Orient.
Les résultats des élections ont beaucoup déçu. Les analystes politiques savaient que les chances pour que des femmes soient élues étaient très minces, les blocs tribaux et islamistes étant favoris. Et comme prévu, aucune des 28 candidates n'a été élue, sur les 253 candidats aux 50 sièges du nouveau parlement. L'opposition, dominée par les islamistes, a remporté au total 33 des 50 sièges.
Pourtant, les femmes représentent aujourd'hui la majorité des électeurs. Sur 340.000 électeurs koweïtiens, 57 pour cent sont des femmes. Cela est en partie dû au fait que le personnel militaire, composé d'une grande majorité d'hommes, n'est pas autorisé à voter. Dans les 25 circonscriptions électorales, le nombre de femmes dépasse celui des hommes, mais les candidates ne sont pas favorisées pour autant : "La plupart des voix des femmes iront aux candidats masculins parce qu'elles ne sont pas convaincues par les candidats féminins", déclarait Walid Tabtabai, un candidat islamiste sortant, opposé à la candidature des femmes pour des raisons religieuses. Il est à noter que les candidates ont eu seulement cinq semaines pour faire campagne après la dissolution de la Chambre par l'émir koweïtien cheikh Sabah al-Ahmad al-Sabah, le 21 mai 2006.
Mais victoire ou défaite, qu'importe finalement, car le chemin tracé par Rula Dashti sera certainement emprunté par d'autres jeunes. Espérons qu'elle ne soit pas mue par des intérêts étrangers et qu'elle soit sincère.