La cohabitation entre jeunes couples et beaux-parents algériens pose problème
Si aujourd'hui environ la moitié des unions officielles en Algérie résultent encore d'un arrangement entre les familles des mariés, il n'en demeure pas moins que les mœurs ne cessent d'évoluer depuis le début du 20e siècle. Et il est probable, l'instruction des femmes aidant, qu'elles évoluent à un rythme plus rapide que dans le passé, au cours des années 2000. Mais pas toujours pour les raisons que l'on croit.
La moyenne d'âge des femmes qui contractent mariage se situe actuellement autour de 26 ans et entre 30 et 35 pour les hommes, contre respectivement 16 ans et 20 ans vers 1910 ! Dès lors, on comprend que lorsque les partenaires se mettent plus tard en couple, la conception des enfants s'en trouve également retardée : le mariage tardif est l'une des causes principales de la baisse du taux de croissance démographique de l'Algérie. Les Algériens se marient donc plus tard mais pas uniquement parce qu'ils poursuivent des études ou qu'ils entrent tardivement sur le marché du travail puisque pratiquement tous, instruits et illettrés, se marient bien plus tard qu'il y a un siècle, et même qu'il y a vingt ans.
En effet les Algériens, toutes catégories sociales et tous milieux confondus se marient plus tard à cause de la précarité sociale et surtout à cause du fait qu'ils peinent à trouver un logement décent. Résultat : Même après avoir signé un contrat de mariage, les jeunes époux retardent la vie commune. D'autres couples ont recours au système D en "squattant" chez leurs proches. Une situation que la majorité des couples n'apprécie guère de nos jours. Autrefois, il n'était pas rare qu'un couple de jeunes mariés emménage chez les parents du marié et vive au foyer parental quelques années. Les parents jouaient alors un rôle d'exemple éducatif pour le jeune couple. Mais de nos jours en Algérie, si on a le choix, on préfère le calme et l'intimité d'un petit chez-soi à la "colocation" traditionnelle avec les beaux-parents, surtout en cas de différence d'âge très importante (jeunes mariés de 25 ans et parents/beaux-parents de 80 ans).
On parle souvent de conflit des générations pour désigner les problèmes posés par les différences de modes de vie et de goûts des jeunes couples avec leurs aînés. Entre nous, qui imaginerait regarder un programme télévisé imposé par ses beaux-parents : la biographie en noir et blanc de la célèbre joueuse de derbouka des Aurès... pour finir une soirée en beauté, on a vu mieux. Ou adopter un rythme de vie trop pépère, qui imposerait de se coucher à 19H30 et se lever aux aurores ?
Dormir avec son mari quand on sait ses beaux-parents tout près de la chambre conjugale ne doit pas mettre à l'aise...
On regrette par ailleurs que la fréquence des mariages consanguins reste élevée en Algérie. On le regrette parce que les enfants qui naissent de ces couples ont plus de risques d'hériter de malformations congénitales. Naturellement, un mariage consanguin, n’est pas forcément synonyme de problèmes pour les enfants : dans l’Egypte antique, où ils étaient fréquents, les enfants avaient deux fois plus de chances d’hériter également de leur beauté (eh oui, il faut le dire, ne soyons pas naïfs).
Or, près d'un Algérien sur quatre épouserait sa cousine germaine. Une tradition d'origine bédouine et perpétuée dans tous les pays musulmans de langue arabe, veut en effet qu'un homme prenne pour première épouse – s'il est polygame – sa cousine germaine du côté paternel. Ceci pour des questions politiques (cela sert à renforcer les liens d'une tribu), de patrimoine (le patrimoine familial reste dans la famille…).
En parlant de polygamie
Les Algériens ont toujours été monogames dans leur majorité, du moins si on se contente de remonter au début du 20e siècle. En effet, en 1911 seuls 6% des hommes étaient polygames en Algérie, contre moins de 1% en 2009. Tant mieux, car selon le folklore, les Algériennes, les Berbères surtout, n'aiment pas avoir une coépouse. Une réputation à étayer avec des sondages. Selon l'Office national des statistiques (ONS) algérien, à la fin des années 1980, les polygames étaient principalement des bergers semi-nomades des Hauts Plateaux. L'homme disposait alors d'un foyer stable tenu par une épouse sédentaire qui s'occupait des enfants que l'homme avait eu à la fois avec elle et avec sa seconde épouse. Cette dernière accompagnait le patriarche lors des pâturages du troupeau pour lui tenir bonne compagnie. Cela pourrait faire sourire les hommes et frissonner (d'horreur) certaines d'entre nous. Des hommes très sensés nous ont d'ailleurs fait la réflexion suivante : "Où est l'amour dans une relation comme celle-là ?". Une remarque plutôt pertinente, puisqu'on voit bien que la polygamie des semi-nomades est pratique et n'accorde guère de place à l'amour et au respect.
A noter que le fait qu'il y ait actuellement plus de femmes que d'hommes en âge de se marier en Algérie pourrait expliquer que certaines, en milieu rural surtout, se contentent d'un homme déjà marié. En tout cas, les jeunes Algériens ne voient pas forcément la polygamie d'un bon œil, au contraire. Parce qu'ils veulent être fidèles à leur chère et tendre ? Parce qu'ils trouvent que la femme qu'ils aiment est tellement merveilleuse qu'ils ne voudraient pas poser leur regard ailleurs ? Pas tout à fait. Selon les messieurs que nous avons vus débattre des mauvais aspects de la polygamie, cette dernière est source de nombreux problèmes. Ainsi, un jeune homme d'affirmer "Plusieurs femmes: Ya Waadi ! (Mazette !) Gérer une relation avec une seule femme est déjà assez difficile...". Et son partenaire de discussion d'abonder dans son sens : "Bien sûr, tu as parfaitement raison. Regarde le nombre de femmes qui passent leur temps à se plaindre de leur mari. Une seule femme est difficile à satisfaire, alors imagine s'il fallait satisfaire plusieurs femmes, leur éviter jalousie et disputes... .etc. Ce serait à devenir fou !".
Nous ne sommes évidemment pas ravies d'apprendre "qu'une relation avec une seule femme est déjà difficile à gérer" (merci...). Mais au moins, on se rassure en constatant que bon an, mal an, les mentalités évoluent. Au-delà des traditions, il reste un point important à résoudre et qui traîne depuis des années maintenant : l'épineux dossier du manque de logements qui entraîne une précarité croissante en Algérie et qui ne risque pas de se résoudre de lui-même. Il est tout de même surprenant que l'on n'arrive pas loger les habitants d'un pays aussi vaste que l'Algérie, où la place ne manque pas. Bien sûr, le problème n'est pas si simple. Mais le couple algérien mériterait que la société se penche sur ses problèmes, avant même d'analyser les chiffres bons ou décevants de la natalité. Le problème de la crise du logement est liée à la question économique : les lieux de croissance et d'emploi sont principalement situés sur les côtes du pays, dans les ports, surpeuplés. Pour résoudre le problème particulier du logement, peut-être faudrait-il stimuler d'autres régions du pays que celles qui sont surpeuplées, pour ensuite y attirer une population jeune et dynamique.
Source: Famille algérienne : Recul des mariages, décroissance démographique... Par Belkacem Rouache