Biographie de Massinissa, premier roi berbère de la Numidie unifiée
Le roi Massinissa fut un grand souverain berbère qui vécut entre le 3ème et le 2ème siècle avant notre ère. Il est connu pour avoir unifié la Numidie, un vaste royaume qui se situait en Afrique du nord.
Origines du roi et de sa famille
Massinissa est né en 238 avant notre ère. Fils du roi Gaiaa, le souverain des tribus fédérées Massili, il a passé sa jeunesse et a fait ses études dans la capitale du royaume voisin, la ville de Carthage.
Le nom de Massinissa est écrit en langue punique-numide sur des gravures comme celle du mausolée de Dougga (Tunisie actuelle): c'est en effet en alphabets numide et phénicien, que le nom de Massinissa est mentionné. Les deux transcriptions peuvent être faites, en caractères alphabétiques, avec MSNSN (ⵎⴵⵏⴵⵏ en numide). Le nom fait partie d'une dynastie de rois numides dont les noms se terminent en –SN, comme ceux de sa descendance, Micipsa (MKWSN) et Gulussa (GLSN).
L'Afrique du nord au 3ème siècle avant Jésus-Christ
La Numidie fut un vaste royaume du 3ème siècle avant JC comprenant les territoires actuels de l'Algérie principalement, mais aussi une partie de la Tunisie et de la Libye. Hormis quelques lieux urbanisés, il s'agissait d'un pays éminemment agricole et pastoral. Ce territoire était divisé en deux fédérations rivales: les Masesili (ou Massaesyles) à l'ouest et les Massili (ou Massyles) à l'est. Le royaume de Carthage était le puissant voisin à l'est, situé sur le territoire actuel de la Tunisie.
Quand Massinissa combattait Rome
La grande puissance à cette époque était Rome. Les Romains étaient en guerre contre le royaume de Carthage qui disposait d'une puissance économique et militaire considérables. Il y eut plusieurs fronts de combat au 3ème et 2ème siècle entre les empires romain et carthaginois: l'Apulie (au sud de l'Italie), la Gaule cisalpine (au sud de la France) et l'Hispanie (péninsule ibérique en Espagne). Ces différents pays furent le théâtre de cuisantes défaites pour les Romains de 219 jusqu'à 205 av. J-C.
Massinissa participait à la guerre en Hispanie aux côtés des Carthaginois, contre l'adversaire romain. Son père, le roi Gaiaa lui avait donné le commandement d'une armée de 5000 cavaliers numides. Le royaume de Carthage avait fait alliance de longue date avec Gaiaa et les tribus fédérées Massili. L’historien romain Titus Livius rapportera à propos de Massinissa que "souvent, en Hispanie, il avait donné l’exemple d’une valeur rare à ses alliés comme à ses ennemis" (XXIX, 31, 3).
La conquête de Carthage
Le général romain Scipion (Publius Cornelius Scipio Africanus) avait pour objectif la conquête de Carthage. Bien que le général carthaginois Hannibal et son armée étaient aux portes de Rome, Scipion envisageait d'attaquer l'ennemi de l'empire romain en ciblant directement sa capitale: Carthage.
En vue de la guerre à venir avec les Romains en Afrique du Nord, le général carthaginois Hasdrubal Gisco, qui s'était illustré dans les guerres précédentes contre les Romains, essaya de nouer une alliance avec Syphax, le roi berbère des tribus fédérées Masesili. Du fait de sa rivalité avec le roi Gaiaa, Syphax avait soutenu les Romains dans leur guerre contre les Carthaginois, jusqu'ici. Pour convaincre Syhax, Hasdrubal lui offrit en mariage sa fille, Sophonisbe. Syphax prit Sophonisbe pour épouse, ce qui allait sceller l'alliance entre la Numidie occidentale et Carthage.
Le roi Gaiaa mourut en 206 av. J-C. Profitant d'une crise de succession à la mort de son rival, Syphax envahit alors la Numidie orientale et annexa ses territoires. Le jeune Massinissa, apprenant la nouvelle, quitta la guerre et ses troupes en Hispanie à 32 ans pour combattre Syphax et tenter de restaurer le royaume de son père. Massinissa considérera dès lors autant Syphax que les Carthaginois comme des ennemis. Sans armée à sa disposition, c'était une menace marginale qu'il opposait à Syphax.
Scipion débarqua en Afrique du Nord en 204 av. J-C et dut faire face à deux armées unies: les Numides de Syphax et les Carthaginois. Il s'associa alors à Massinissa qui, en s'opposant courageusement à Syphax, avait suscité l'admiration de la population numide. Massinissa réussit ainsi à lever une armée numide de plusieurs centaines de cavaliers. Cette alliance procurerait à l’armée romaine des éclaireurs, des contingents, du blé et une remonte de sa cavalerie. Toutefois, la première année de guerre fut assez mitigée, bien que Massinissa et ses troupes s'étaient illustrés à plusieurs reprises aux côtés de Scipion.
En 203 av. J-C, les armées numides de Syphax et les armées carthaginoises furent vaincues lors de la bataille des Grandes Plaines. Le roi Syphax fut capturé près de la ville de Cirta (Constantine aujourd'hui), et Massinissa monta alors sur le trône d'une Numidie unifiée. Suite à ces victoires militaires, la ville de Carthage capitula et négocia un traité de paix avec Massinissa et Scipion, affaiblissant, de fait, l'empire Carthaginois.
Allié de Rome
Hannibal et son armée quittèrent Rome qu'ils assiégeaient pour venir en aide à la capitale carthaginoise soumise aux Romains. Arrivé en Afrique du Nord, Hannibal s’allia à Vermina, le fils et successeur de Syphax. Ensemble, ils décidèrent d'envahir le royaume des Massyles.
En 202 av. J-C, à la suite d'incident diplomatique, le traité de reddition de Carthage échoua et ce fut alors qu'un affrontement décisif eut lieu: la bataille de Zama. Les armées romaines de Scipion et numides de Massinissa combattirent l'armée carthaginoise de Hannibal Barca. Le choc fut rude et il y eut de nombreuses pertes des deux côtés, puis la bataille finit par tourner à l'avantage de Massinissa et de Scipion. Carthage perdit la guerre, Scipion devint alors Scipion l'Africain et Massinissa put rentrer à Cirta, à la tête de sa puissante cavalerie victorieuse. Il devint ainsi le premier roi incontesté de la Numidie unifiée.
Les amours du roi Massinissa
Après que Massinissa réussit à capturer Syphax, il prévoyait d'épouser sa femme, Sophonisbe. Certains historiens rapportent que Sophonisbe était une femme d'une grande beauté et avait reçu une solide éducation, et qu'elle fut initialement la promise de Massinissa, avant que ce dernier ne parte se battre en Hispanie.
Si on peut douter que Sophonisbe fut promise à Massinissa, il est par contre attesté qu'il en était tombé amoureux. Bien que captif, Syphax se serait opposé à ce mariage. Lorsque Scipion l'Africain réclama la princesse Sophonisbe pour l’exhiber comme trophée à son retour à Rome, Sophonisbe préféra se suicider afin d'éviter un tel déshonneur. Malgré cet épisode qui a profondément traumatisé Massinissa, il est resté fidèle à l'alliance avec Rome.
Massinissa aura plusieurs épouses et de très nombreux enfants, dont plus de 40 garçons. Parmi ses enfants les plus célèbres on peut citer Gulussa, Micipsa (le père de Jugurtha), Masucan ou encore Mastanabal.
Troisième guerre punique
En 153 av. J-C, le roi numide projeta de s'emparer de Carthage pour en faire sa capitale. Les Romains, qui redoutaient qu'il n'acquière une puissance encore plus grande que celle des Carthaginois jadis et qu'il ne se retourne contre eux, étaient opposés à ce dessein. En revendiquant la région agricole des Grandes Plaines, il provoqua les Carthaginois qui réagirent en prenant les armes. Malgré son âge avancé, 85 ans, il participa au siège d'Oroscopa en 150 av. J-C. Ce fut de nouveau la guerre en Afrique et, après d'âpres combats, Carthage fut livrée aux flammes.
C'est lorsque Carthage fut détruite que prit fin la troisième guerre punique; la population fut déportée et vendue comme esclave un peu partout. De l’empire commercial riche qu’était Carthage, il ne restait plus que des colonies agricoles: sénateurs romains ou aventuriers s’accaparèrent les terres. La méthode éprouvée "diviser et conquérir" pour mieux régner qui était si aimée par les Romains fut, ici encore, utilisée avec succès.
Fin de règne et mort de Massinissa
Sous le règne de Massinissa, le royaume numide allait prospérer. La puissance économique s'appuyait sur d'importantes capacités agricoles et sur la puissance commerciale et financière des Carthaginois. L'armée de Numidie reposait sur une puissante cavalerie libyenne et numide mais aussi sur une infanterie de Numidie qui avait reçu des formations militaires par Rome.
Massinissa conserva, sa vie durant, l'amitié de Rome sans jamais être son vassal. Il récupéra non seulement les territoires que lui accordait le traité passé avec Carthage mais aussi de nombreuses villes et régions sous l'autorité des Carthaginois ou de Vermina, le fils de Syphax. De 174 à 172, il occupa soixante-dix villes et forts.
Si Massinissa avait combattu les Carthaginois, il ne dédaigna pas pour autant la civilisation carthaginoise, dont il sut tirer avantage. La langue punique fut d'usage courant dans sa capitale où l'on parlait également, en plus du berbère, les langues grecque et latine. Il savait aussi se comporter en souverain raffiné, portant de riches vêtements et une couronne sur la tête, donnant, dans son palais de Cirta, des banquets où les tables étaient chargées de vaisselle d'or et d'argent et où se produisaient les musiciens.
Massinissa s'éteint en 148 avant notre ère, à l'âge vénérable de 90 ans. Son influence était très étendue dans le pourtour méditerranéen, les historiens romains ont toujours été très élogieux à son égard et on lui bâtit plusieurs statues, y compris en Grèce.
Massinissa et notre époque contemporaine
Depuis les années soixante, les Berbères découvrent ou redécouvrent leur belle histoire qui date de l’époque d’avant l'avènement de l'Islam en Afrique du Nord. L'histoire du roi Massinissa en fait partie. Une histoire qui remonte à l'Antiquité et qui démontre bien que l'Algérie est un territoire riche d'une longue histoire, bien antérieure à la colonisation française ...
La célébration de l'histoire de l'Algérie passe notamment par le fait de donner, de plus en plus, des prénoms aux enfants qui font écho à ceux de l'Antiquité berbère. Ainsi, Massinissa est un prénom très souvent donné aux nouveau-nés, ces 40 dernières années. Par exemple, Massinissa Guermah était le nom du jeune étudiant dont l'assassinat a déclenché le printemps noir en Kabylie de 2001.