Conte soufi: La Cage

Perroquets
Perroquets

Nous allons vous conter une histoire intitulée La cage du soufi Djalal Al Din Rûmi. Le soufisme, tasawuf en arabe, est un courant mystique de l'islam. Cette spiritualité recommande à ses disciples la simplicité, la bonté, l'amour (de Dieu) et la sagesse. Nous connaissons tous, ou presque, la citation d'un maître soufi comme celles de Rûmi (ou Roumi) ou un conte inspiré des histoires soufies, même si nous ne sommes pas toujours conscient qu'un conte ou un précepte spirituel est inspiré du soufisme.

Djalal Al Din Rûmi recherchait l'union spirituelle avec Dieu à travers la musique et la danse, il est d'ailleurs à l'origine des derviches tourneurs. Selon Michel Malherbes, auteur de Les Religions de l'Humanité (Ed. Critérion), "Le soufisme apporte ainsi à l'Islam une dimension poétique et mystique qu'on chercherait en vain chez les exégètes pointilleux du texte coranique. C'est pourquoi ces derniers, irrités par ce débordement de ferveur, cherchent à marginaliser le soufisme.". Comme les kabbalistes, les soufis ont parfois été assimilés à tort à des sorciers, par des personnes qui ne connaissaient pas ou peu leur philosophie religieuse.

La cage

Un commerçant arabe possédait un perroquet impressionnant car plein de dons. Un jour, il décida de voyager en Inde et demanda à chacun quel cadeau il désirait qu'on lui rapporte du voyage. Quand il posa cette question au perroquet, celui-ci répondit :

"En Inde, il y a beaucoup de perroquets. Va les voir pour moi. Décris-leur ma situation, cette cage. Dis-leur : Mon perroquet pense à vous, plein de nostalgie. Il vous salue. Est-il juste qu'il soit prisonnier alors que vous volez dans le jardin de roses ? Il vous demande de penser à lui quand vous voletez, joyeux, entre les fleurs."

En arrivant en Inde, le commerçant se rendit en un lieu où il y avait des perroquets pour honorer la promesse qu'il avait faite au sien. Mais, alors qu'il leur transmettait les salutations de son propre perroquet, l'un des oiseaux tomba à terre, sans vie. Le commerçant en fut très étonné et se dit :

"Cela est bien étrange. J'ai causé la mort d'un perroquet. Je n'aurais pas dû transmettre ce message."

Puis, quand il eût fini ses achats, il rentra chez lui, le cœur plein de joie. Il distribua les cadeaux promis à ses serviteurs et à ses femmes. Le perroquet lui demanda : "Raconte-moi ce que tu as vu afin que je sois joyeux moi aussi."

A ces mots, le commerçant se mit à se lamenter et à exprimer ses regrets.

"Dis-moi ce qui s'est passé insista l'oiseau. D'où te vient ce chagrin ?"

Le commerçant répondit :

"Lorsque j'ai transmis tes paroles à tes amis, l'un d'eux est soudainement tombé à terre, sans vie. C'est pour cela que je suis triste."

A cet instant, le perroquet du commerçant tomba lui aussi dans sa cage, inanimé. Le commerçant, plein de tristesse, s'écria :

"Ô mon perroquet au langage chatoyant ! Ô mon ami ! Que s'est-il passé ? Tu étais un oiseau tel, que Salomon lui-même n'en avait jamais connu de semblable...".

Après avoir longtemps pleuré, le commerçant ouvrit la cage et le jeta par la fenêtre. Aussitôt, celui-ci s'envola et alla se percher sur une branche d'arbre. Le commerçant, encore plus étonné, lui lança :

"Explique-moi ce qui passe !"

Le perroquet lui répondit :

"Ce perroquet que tu as vu en Inde m'a expliqué le moyen de sortir de prison. Par son exemple, il m'a donné un conseil. Il a voulu me dire : "Tu es en prison parce que tu parles. Fais donc le mort". Adieu, ô mon maître ! Maintenant, je m'en vais. Toi aussi, un jour, tu rejoindras ta patrie."

Le commerçant ne fût point offensé. Il lui dit :

"Que Dieu te salue ! Toi aussi, tu m'as guidé. Cette aventure suffit à m'éclairer, car mon esprit et mon cœur ont pris leur part de ces événements.".

FIN.

Si vous aimez ce type de conte, nous vous conseillons Contes soufis, aux éditions Albin Michel.

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Mis en ligne : Jeudi 2 Juillet 2009
 
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