Abdelaziz Baraka Sakin, un romancier soudanais, vient de publier La Princesse de Zanzibar, un roman audacieux, pour ne pas dire franchement culotté, sur une période peu connue de la colonisation arabe de Zanzibar.
Un sujet qui appartient à l'Histoire, peu connue et peu documentée, mais que Sakin a utilisée comme prétexte pour broder une histoire romancée, voire fantasmée, motivée par sa fascination mais aussi sa révulsion envers les Arabes.
Des difficultés pour trouver un éditeur
L'auteur a écrit son roman sur un ton plutôt léger, mais la toile de fond ne l'est pas, et le militant n'est jamais loin. Sakin prétend s'être inspiré de la littérature omanaise pour inventer, broder des histoires sur des Africains vivant sur l'île.
Deux livres datant de la colonisation des Omanais à Zanzibar l'auraient inspiré: "L'un était un écrit par un chef militaire qui capturait les esclaves, l'autre était les Mémoires de la fille du sultan. J'ai été frappé par le fait que la princesse parle de la vie fastueuse des Omanais à Zanzibar, et décrive les Zanzibarites comme des gens qui ne faisaient rien, alors que les Africains faisaient tout, cultivaient la terre, s'occupaient des récoltes, et jusqu'à laver les corps des maîtres. Ce contraste entre ce paradis pour les Omanais et cet enfer vécu chez eux par les Africains m'a interpellé. La vie de l'Africain, celui dont personne ne se préoccupe, ce qu'on appelle le vide historique a motivé mon roman, qui vient le combler.".
Alors que l'auteur avoue volontiers que son nouveau roman n'est que pure fiction et ne s'appuie sur aucun document historique, Sakin rêve que son œuvre comble le vide historique de cette période ...
Le titre original du roman est Nisamehe! : Pardonne-moi, en swahili. Bien que particulièrement critique envers les Arabes de l'époque, le Soudanais a trouvé opportun de s'adresser en premier lieu à des éditeurs omanais et du Koweit pour publier son livre. Personne n'a trouvé son roman digne d'intérêt et les officiels du sultanat d'Oman et du Koweït n'ont pas accueilli avec un grand enthousiasme le roman de l'auteur. Personne ne s'en étonnera. Il a fini par trouver une maison d'édition en France, prompte à publier son ouvrage qui a toutefois pris la liberté discutable de renommer le titre "Pardonne-moi!" en "La Princesse de Zanzibar".
Le roman aurait pu s'appeler "A bas le Zanzibar!"
Le roman de Baraka Sakin conte une histoire d'amour improbable entre la fille du Sultan de Zanzibar, et son esclave noir. A partir de ces deux personnages principaux, il peut alors décrire la vie sur Zanzibar dans une époque se situant à la fin du 19ème siècle.
L'action se déroule sur l’île principale de l'archipel, Unguja, alors aux mains des Omanais, où l'esclavage est banalisé. A l’époque, Anglais, Français et Allemands se battent pour coloniser Zanzibar. "Mais qu'est-ce qu'ils nous veulent ces Européens? L'île nous appartient, cette terre est à nous, son peuple aussi, nous sommes ses maîtres", fait dire au sultan au pouvoir Sakin, dans sa fiction. L'auteur s'est livré sur une pleine page à la quantification de tristes records imaginaires attribués au tyran de l'île: "Tout au long de sa vie, sans que l'on puisse en délimiter avec certitude la durée, il tua 883 Africains, 7 Arabes omanais et 20 Yéménites. Il vendit 2 779 670 esclaves, hommes, femmes et enfants.".
La princesse est l'héroïne du roman. Elle est la fille du sultan et l'unique enfant de ce tyran. Folle de bijoux et mariée à un homme d'affaires qui se rêve sultan, elle exige d'être son unique épouse, c'est déjà dire que la jeune femme a du caractère.
Mais le couple que l'on suit tout du long du roman est plutôt étrange. L'auteur va imaginer que la princesse a eu pour esclave un eunuque dès son adolescence. Sundus, émasculé dès sa capture par les Arabes, est aux petits soins pour sa princesse qui ne jure que par lui. Entre eux se noue un amour particulier et une sexualité qui n'est pas liée à des organes génitaux, mais à des complicités entre les êtres. Tous deux sont mutilés, puisque la princesse est excisée, mais leur relation va au-delà. A noter que si l'esclave de la princesse dispose d'un prénom, cette dernière n'en a pas.