L'Unesco a inscrit la calligraphie arabe au patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Le 21 décembre 2021, l'art de l'Ecriture Arabe Islamique est ainsi reconnu. C'est initialement 16 pays dont l'Arabie saoudite, l'Irak, l'Egypte et le Maroc qui en ont fait la demande auprès de l'organisation.
Lors de l'annonce, un porte-parole de l'Unesco a expliqué que "la fluidité de l'écriture arabe offre des possibilités infinies, les lettres peuvent être allongées et transformées de nombreuses façons, afin de créer différents motifs". Les calligraphes arabes ont bien évidemment grandement apprécié que leur art soit ainsi reconnu par l'Unesco mais désirent aussi en profiter pour rappeler que les gouvernements des pays arabes ne soutiennent pas cet art qui tend à se perdre.
Le témoignage d'un calligraphe: Hassan Al-Masoud
Nous partageons avec nos internautes l'interview d'un maître calligraphe et artiste Hassan Al-Masoud, qui par le biais de questions - réponses nous permet de découvrir ses expériences et nous donne un aperçu de son art. M. Al-Masoud a également écrit de nombreux articles sur son amour des arts et de la calligraphie arabe.
Q: Où et quand avez-vous vu le jour ?
R: Je suis né à Nadjaf, en Irak, en 1944.
Q: Quelle est votre formation et votre diplôme?
R: Après le lycée, je me suis spécialisé dans les arts plastiques, avant d’être diplômé des Beaux-Arts à Paris.
Q: Qu’est-ce qui vous a incité à vous intéresser à la calligraphie?
R: Peut-être que mon amour pour la calligraphie arabe a commencé lorsque j'ai vu écrire avec des roseaux et de l'encre noire sur du papier jaune mon oncle, M. Ali Al-Hashimi Al-Khatib, qui est auteur de livres et qui aime la calligraphie arabe. Il m'expliquait comment écrire de longues lignes qui s’étendent sur des dizaines de mètres pour les mosquées.
Et puis les monuments architecturaux dans la ville où je suis né étaient décorés de calligraphies: les mosquées, les bibliothèques, les devantures des magasins, les stèles funéraires arabes et même une grande partie des plaques des rues de Najaf étaient remplies de calligraphies de toutes sortes.
En plus de la calligraphie, j'aimais aussi le dessin, et mon grand rêve, enfant, était d'étudier les arts plastiques à l'Institut des Arts de Bagdad. A cette époque, on ne connaissait ni le cinéma ni la télévision et les journaux illustrés étaient très chers pour une ville aux portes du désert.
C’est dans ce contexte que j'ai développé une passion pour la calligraphie à l'âge de dix ans, et j'ai été encouragé à l'école à faire quelques publicités. C’est ce qui m'a progressivement amené à m'initier aux méthodes linéaires.
A la fin du collège, j'ai été déçu de ne pas avoir été reçu à l'Institut des Arts pour des raisons insignifiantes. La raison? Les services de l’Administration m'ont empêché d'obtenir un certificat de citoyenneté, or c'est un document obligatoire pour tous ceux qui veulent pousser loin les études.
C'était en 1961, j'avais 17 ans. J'ai décidé de frapper aux portes de différents calligraphes de Bagdad pour travailler comme assistant calligraphe. Je suis passé de boutique en boutique: le calligraphe Abbas, le calligraphe Al-Asmawi, et le calligraphe Al-Khalidi... J'attendais qu’une opportunité se présente qui me permettrait de revenir faire les études dont je rêvais. J’ai travaillé comme assistant calligraphe à Bagdad pendant huit ans.
Q: Pourquoi avoir quitté l'Iraq?
R: Je pensais à cette époque que la calligraphie était un job alimentaire uniquement. Pour moi, l'art à cette époque était forcément un art de style occidental, donc je voulais être un artiste occidental. En fait, l'atmosphère artistique en Irak à cette époque souffrait du manque de sensibilisation au patrimoine irakien. A l'inverse, tout le monde avait une préférence pour les écoles d'art occidentales, en plus de cela, beaucoup ne pratiquaient pas la calligraphie de manière artistique.
Pourtant à Bagdad, il y avait un très beau mouvement d'expositions d'art moderne, que je visitais. Quand j’avais 17 ou 18 ans, je suis allé voir à Bagdad une exposition de calligraphie arabe, proposée par le président Abdul Karim Qassem. Il s'est arrêté devant l'un des tableaux, et a dit: "C'est la calligraphie de Hachem Al-Baghdadi". L’artiste lui-même n'était pas loin de lui, alors il lui a dit: "Pouvez-vous la lire, M. le président?". Tous ceux qui ont entendu cette conversation se sont arrêtés, craignant que le chef de l'État ne puisse déchiffrer les mots entrelacés. Mais Abd al-Karim Qasim a lu : "La déception ne convient qu'à sa famille". Tout le monde a poussé un soupir de soulagement et a applaudi.