Sabina Nessa: un féminicide de plus au Royaume-Uni...

Sabina Nessa
Sabina Nessa

Dans les pays occidentaux, les meurtres de femmes représentent un fléau qui ne cesse de s’aggraver. Un fléau qui n'est pas pris au sérieux ou que les autorités n'arrivent pas à combattre. Au Royaume-Uni, selon les données du Femicide Census, une organisation qui relève les faits de violence contre les femmes et les filles, environ une femme est tuée par un homme tous les trois jours.

L’assassinat de Nessa 28 ans

Sabina Nessa était une enseignante de 28 ans. Elle habitait au sud de Londres. Elle a été assassinée le 17 septembre 2021 lors d'un déplacement à pieds entre son domicile et un pub. Le trajet n'aurait pas dû lui prendre plus de cinq minutes. Sabina était d'origine indienne, d'ailleurs ses parents sont propriétaires d’un restaurant indien à Londres.

Six jours plus tard, la police de Londres a livré plus de détails lors de son communiqué de presse. Selon les enquêteurs, Nessa avait quitté son domicile situé dans l'arrondissement de Greenwich juste avant 20h30. Les détectives pensent qu'elle a traversé Cator Park en direction d'un bar de Pegler Square, où elle avait prévu de rencontrer un ami. Elle aurait été assassinée alors qu’elle passait par ce parc. Son corps sans vie a été retrouvé le lendemain après-midi à proximité d'un centre communautaire.

L'inspecteur en chef Joe Garrity a ajouté: "Nous savons que le peuple est à juste titre choqué par ce meurtre – tout comme nous – et nous utilisons toutes les ressources à notre disposition pour trouver la personne responsable.".

Zubel Ahmed, la cousine de Nessa, a déclaré lors d'une interview donnée à des médias anglais que la famille de Sabina est toujours sous le choc: "La nouvelle de sa mort les a laissés dévastés et inconsolables. Vous savez, Sabina enseignait dans une école primaire et elle était vraiment la personne la plus gentille et la plus attentionnée qui soit. Je ne comprends pas comment quelqu'un peut faire ça, vraiment pas. C'est une grosse, grosse perte pour notre famille.".

Ce meurtre, qui fait suite à tant d'autres, a suscité une indignation générale au sein de la population. Les meurtres commis à l'encontre des femmes sont désormais considérés comme une épidémie de violence au Royaume-Uni.

Épidémie de violence contre les femmes

Six mois auparavant, le Royaume-Uni était ébranlé par l'agression et le meurtre de Sarah Everard, 33 ans. La jeune femme a disparu après avoir quitté la maison d'un ami à Clapham, dans le sud de Londres, le 3 mai 2021. Son corps a été retrouvé une semaine plus tard, à plus de 80 km de l'endroit où elle a été vue pour la dernière fois. Son assassin, un policier en service, a plaidé coupable pour son enlèvement, son viol et son meurtre.

Pour rappel, au Royaume-Uni, environ une femme est tuée par un homme tous les trois jours. Et la situation catastrophique ne semble pas s'atténuer. Plus de 200 femmes ont été tuées entre mars 2019 et 2020 au Royaume-Uni, selon les données de l'Office for National Statistics et du gouvernement écossais.

De 2008 à 2018, 1425 femmes ont été tuées par des hommes, selon les données du recensement des féminicides. La majorité (62%) de ces meurtres ont été commis par le partenaire actuel ou ancien de la victime. Les femmes tuées par des hommes qu'elles connaissaient représentent 15%. 8% de ces meurtres ont été perpétrés par des inconnus.

La psychose s'installe au sein de la population. Le Greenwich Council propose de distribuer des petites alarmes portatives que les femmes pourraient activer en cas d'agression. Il s'agirait d'un "petit appareil qui peut être attaché à des clés, à des sacs à main ou tenu en main et activer une alarme sonore en cas d'agression". Mais le représentant du conseil admet que les femmes ne devraient pas avoir à se défendre.

Carte de la population indienne des villes du Royaume-Uni
Carte de la population indienne des villes du Royaume-Uni

L'indignation dans le débat public

De nombreuses femmes sur les réseaux sociaux ont partagé leurs propres expériences d'agression sexuelle et de harcèlement, mettant en exergue le bilan accablant du Royaume-Uni en matière de violence à l'égard des femmes.

De nombreux acteurs de la vie publique anglaise critiquent les dirigeants pour leur inaction, leur manque de compassion à l'égard des victimes, et beaucoup soulignent que peu de choses ont changé depuis le meurtre de la femme victime d'un policier. Le groupe "Femicide Census" affirme que la nouvelle stratégie du gouvernement pour lutter contre la violence au sein de la société "ignore honteusement les victimes de féminicide".

Un rapport de l'organisme de surveillance de la police en juillet a alerté sur le fait qu'une réforme intersectorielle "radicale" était nécessaire pour protéger les femmes et les filles d'une "épidémie" de criminalité. Selon ce même rapport, la police devrait faire une priorité de la poursuite "implacable" des auteurs.

Pour Mme Mandu Reid, chef du Parti pour l'égalité des femmes et des hommes: "Les médias se sont demandé aujourd'hui: les choses se sont-elles améliorées depuis le meurtre de Sarah Everard? La réponse est NON. La réaction de la presse est molle, il faut donner un grand élan à l'indignation que suscite l'assassinat de Nessa – une femme de couleur qui plus est –; cela démontre, une fois de plus, que toutes les victimes ne sont pas traitées avec le même respect et la même révérence".

Les médias britanniques avaient déjà été accusés, après le meurtre de Sarah Everard d'avoir un problème de traitement de l'information lorsque cela concernait "la diversité". Des observateurs ont fait la comparaison du traitement médiatique très impliqué pour couvrir l'assassinat de Sarah, alors qu'en comparaison les médias n'avaient guère évoqué la mort d'un étudiant noir de 21 ans, Blessing Olusegun. A la décharge des médias, le corps d'Olusegun a été retrouvé sur une plage de la côte sud de l'Angleterre en septembre 2020. Sa mort "inexpliquée" n'a pas été considérée comme suspecte par la police locale.

Auteur :
Mis en ligne : Jeudi 23 Septembre 2021
 
Dans la même thématique