Baya, une artiste peintre algérienne de renom

BAYA dans son atelier à Blida en 1998
BAYA dans son atelier à Blida en 1998

Baya, de son vrai nom Fatma Haddad, épouse Mahieddine, est une peintre algérienne née le 12 décembre 1931 à Fort-de-l'Eau dans les environs d'Alger et morte le 9 novembre 1998 à Blida. Orpheline, elle a dû travailler comme servante pour gagner sa vie mais a eu un destin exceptionnel et est devenue une artiste moderne algérienne. Cette femme sensible qui aimait tant les couleurs vives a inspiré plusieurs artistes algériens.

Comme l'Institut du monde arabe lui consacre une exposition intitulée Baya, femmes en leur jardin, Radio France a voulu revenir sur la vie et l'œuvre de cette artiste, considérée comme une véritable icône de la culture algérienne. Pour le commissaire de l'exposition, Claude Lemand, Baya est une artiste unique: "Elle a apporté quelque chose de nouveau, d’exceptionnel et qui rendait compte de la culture algérienne qui avait été un peu gommée, presque effacée par la colonisation française."

Une carrière hors du commun

Pourtant rien ne la prédestinait à une vie d'artiste. Le père de Baya, Mohammed Haddad, meurt en 1937. En 1939 sa mère, Bahia Abdi, se remarie avec un commerçant de Kabylie, déjà marié et père de nombreux enfants. Baya vit ainsi à Tizi-Ouzou, travaille dans les champs, il lui arrive également d'être bergère. En décembre 1940 sa mère meurt à son tour. Baya, dont le véritable prénom est Fatma, adoptera, plus tard, le prénom de sa mère comme pseudonyme d’artiste. Doublement orpheline, elle continue de vivre durant les deux années suivantes dans la famille de son beau-père. Recueillie en 1942 par sa grand-mère, ouvrière agricole, elle l'aide en travaillant souvent durement dans les fermes de colons des environs de Fort-de-l'Eau.

C’est dans l’une de ces fermes que Baya est repérée par un membre de la famille, Marguerite Carminat, elle-même artiste. "Dans la cour de la ferme, quand elle avait un peu de temps, elle dessinait sur le sable et faisait des sculptures avec de la terre et de l’eau", raconte Claude Lemand. Marguerite lui permettra d’apprendre les beaux-arts que sont la peinture et la sculpture: c’est grâce à elle que Baya apprendra à modeler des personnages ou des animaux fantastiques en argile et à réaliser des gouaches.

En mai 1947 le sculpteur Jean Peyrissac montre des gouaches et une sculpture de Baya à Aimé Maeght, de passage à Alger. Maeght aimant son art, une exposition est présentée en novembre à Paris par Maeght dans sa galerie. Le cadi Mohamed Benhoura participe à son organisation. Le magazine Vogue publie en février 1948 la photo de Baya, qui n'a alors que seize ans, avec un article d'Edmonde Charles-Roux. Baya découvre Paris et rencontre le peintre Georges Braque.

Baya, Les Oiseaux Musiciens, 1976
Baya, Les Oiseaux Musiciens, 1976

Rapidement, elle se fait un nom dans les milieux artistiques parisiens. Albert Camus écrit après avoir vu son exposition: "J’ai beaucoup admiré l’espèce de miracle dont témoigne chacune de ses œuvres. Dans ce Paris noir et apeuré, c’est une joie des yeux et du cœur". Elle obtient même pendant quelques semaines, un atelier à côté de celui de Picasso.

A son retour en Algérie en 1953, Baya se marie avec un musicien de 30 ans son aîné. Elle fait une pause jusqu’à l’indépendance algérienne (1962), après s’être occupée de sa famille pendant 10 ans! Puis, l'orpheline recommence à peindre sa mère, mais développe aussi des jardins et des natures mortes dans lesquelles des instruments de musique sont souvent représentés. Régulièrement exposée en Algérie, elle refusera de s’affilier à un courant artistique ou politique, et préfèrera rester une artiste indépendante. Avec son audace et sa puissance picturale, elle a su comme personne moderniser l’art traditionnel algérien. "Je peins ce que je sens. Je suis toujours très embarrassée quand on me demande ce que je veux exprimer à travers ma peinture. Je préfèrerais que chacun fasse sa propre interprétation de mon travail, en fonction de ce qu'il ressent."  avait-elle déclaré.

Les critiques font l’éloge de son sens inné du mariage des couleurs et des formes. On compare son trait à celui de Matisse, ses couleurs à celles de Chagall. Les surréalistes, comme André Breton, voient en elle "la reine d'un monde nouveau".

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Mis en ligne : Lundi 12 Décembre 2022
 
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