Abû al-Fadl 'Abd ar-Rahmân ibn Abî Bakr ibn Muhammad Jalâl ad- Dîn al-Khudayrî as-Suyûtî, abrégé "Jalāl al-Suyūtī" est un savant égyptien né au Caire en 1445. Il fut sans conteste l’une des sommités de son ère : éminent juriste musulman, historien, biographe et enseignant, il est l’auteur musulman le plus prolifique du 9ème siècle de l’Hégire.
Dans l'ancienne société islamique, les "savants" étaient les spécialistes du droit et de la religion. On dit aussi des Oulama.
Il fut un élève brillant et précoce !
D’origine persane par son père et circassienne par sa mère, il était musulman sunnite : Son père, héritier d’une lignée réputée pour sa piété et son savoir, enseignait le fiqh (jurisprudence des musulmans) dans une mosquée du Caire ; et lorsqu’il décéda, alors que le jeune as-Suyûtî n’avait que six ans, ce sont ses amis, membres distingués d’une communauté savante florissante, qui reprirent en main l’éducation du garçon et lui enseignèrent les nombreuses disciplines dans lesquelles il excellera : le fiqh, les hadîth, le tafsîr (exégèse coranique), la 'aqida (théologie), l’histoire et la rhétorique, la philosophie et la médecine, la langue arabe pure. Des matières qu’il étudia auprès de plus de cent cinquante enseignants, souvent des grands noms de leur temps. Si bien que le jeune savant égyptien acquit une solide base religieuse dès l’âge de quatorze ans.
Sa précocité impose le respect : Al-Suyuti qui a étudié pendant un an à Médine, puis en Syrie, commença à émettre des fatwas et à enseigner le hadîth dès l’âge de vingt-et-un ans. D’abord à la même madrasa que son père, puis à la célèbre mosquée historique d’Ibn Tulun, ses cercles de science connurent bientôt des affluences prodigieuses. Sa culture encyclopédique, la profondeur de son savoir, sa mémoire phénoménale – il connaissait par cœur entre cent et deux cent mille hadîths ! – et sa réputation de sainteté due au fait qu’il aurait réalisé des miracles, lui attirèrent ainsi d’innombrables étudiants.
As-Suyuti objet de jalousies
Son succès lui vaudra néanmoins des jalousies de la part de certains de ses pairs, notamment celle de Shamsuddîn as-Sakhâwî, qui lui a envoya des lettres remplies de propos acerbes et cinglants. D’aucuns se repentiront toutefois de ces attaques injustes, comme l’imâm al-Qastalanî, qui ira jusqu’à se rendre chez as-Suyûtî pieds nus pour lui présenter ses excuses et implorer son pardon.
"Mes travaux et contributions aux différentes sciences se sont répandus à tous les pays"
Parfois controversé en raison de sa profonde implication dans les conflits politiques et les disputes théologiques de son temps, as-Suyûtî est également, et surtout, critiqué parce qu’il prétendait en être au niveau de l’Ijtihâd Mutlaq, c’est-à-dire un interprète de la religion digne de confiance, et au statut de Mujaddid de son siècle, autrement dit un quasi-prophète qu’il évoque lui-même en ces termes :
"J’espère, par la faveur et la grâce d’Allâh, être le mujaddid de ce siècle, tout comme al-Ghazâli l’espérait pour lui-même. Ceci car j’ai maîtrisé toutes les sortes de disciplines, comme le tafsîr et ses principes, le hadîth et ses sciences, le fiqh et ses principes, la langue et ses principes, la syntaxe et la morphologie et leurs principes, la dialectique (jadal), la rhétorique arabe ainsi que l’histoire. En plus de tout cela se trouvent mes travaux remarquables, excellents et inédits qui atteignent désormais le nombre de cinq cents. J’ai donné naissance à la science des fondements de la langue (usûl al-lugha) et compilé des travaux à ce sujet, et personne ne m’avait précédé en cela. Elle suit le même cours que la science du hadîth et la science des usûl al-fiqh. Mes travaux et contributions aux différentes sciences se sont répandus à tous les pays. Ils ont atteint le Shâm, les terres romaines, la Perse, le Hijâz, le Yémen, les Indes, l’Abyssinie, le Maghreb et Takrûr, d’où ils se sont propagés vers l’océan Atlantique. En tout ce que j’ai mentionné, je n’ai pas d’égal. Personne vivant à la surface de la Terre aujourd’hui n’a maîtrisé le nombre de sciences que j’ai maîtrisées et, à ma connaissance, personne d’autre n’a atteint le rang de l’iijtihâd mutlaq, si ce n’est moi.".
On notera que ses relations avec ses souverains étaient distantes voire hostiles. En cela, il perpétua une tradition propre aux savants sunnites orthodoxes à l’égard des gouvernants, qui veut que l’on évitât d’entretenir des relations avec eux afin de ne pas perdre son indépendance dans l’expression de ses opinions.
Suyuti dépensa beaucoup d'énergie dans son combat contre l'ignorance, afin de faire triompher la vérité. De cela, nul témoignage plus éclatant que le Tahadduth bi-ni'mat Allah, long plaidoyer autobiographique en vingt et un chapitres composé entre 1485 et 1490.
Un livre à découvrir
Al-Suyúti a été un auteur très prolifique puisqu’il a écrit pas moins de cinq cents livres (certains disent mille, sous couvert d’anonymat parfois). Mais parmi ceci, l’un semble particulièrement intéressant pour découvrir l’islam sous un jour différent de celui du dogme : Rêver du prophète et des anges
Le Tanwîr al-halak fî imkân ru'at al-nabî wa al-malak (Lumière sur la possibilité de voir le Prophète et les anges) est extrait d'un livre plus dense Hawii li-l fatawí fi al-fiqh wa-'ulum al-tafsir wa al-hadith wa al-usul wa-al-nahw wa al-i'rab wa-sa'ir al-'ulum. Dans le chapitre qui nous intéresse ici, Al-Suyúti traite de la délicate question de voir le Prophète en rêve et/ou en état de veille, de même que les anges.
Il y mentionne de nombreuses traditions authentiques qui confirment cette possibilité ainsi que les avis des plus grands savants, exégètes et maîtres du hadith en la matière. A titre d'exemple, Suyúti rappelle les propos du Sheikh Akmal al-Din al-Bábarti al-Hanafi, dans son Shark al-Mashdriq au sujet de la parole du Prophète : "Quiconque me voit en rêve me verra en état d'éveil, car Satan ne peut pas revêtir ma forme" (al-Boukhari).